lundi 25 novembre 2019

Atelier d'écriture N°350 d'Alexandra K : Intérieur Monde



Réfléchir. S'en aller. Loin. Très loin. Beaucoup trop loin. Je n'ai jamais réellement compris comment était-ce possible, "nous" ? L'humanité, la beauté du monde, le reflet du soleil sur le cuir chevelu, les nuits sans sommeil à regarder les étoiles en fumant cigarette sur cigarette, l'amour. Peut-être avais-je imaginé que la philosophie me calmerai. Ou l'âge. Ou la terminale. Se mettre à la place de la pensée des autres pour essayer de se comprendre soi-même. Trop compliqué, bien trop de soucis avec mon ça, mon moi et mon surmoi pour un tel exercice. Une feuille, du papier. Un écran, un clavier. La technologie aussi me dépasse. Pourtant je rentre en plein dedans, en piochant deci delà quelques mots mis bout à bout pour exprimer quelque chose de confus, sans doute inutile. Qu'est-ce qui est utile à l'heure actuelle ? La survie, peut-être, et encore. 


Peut-être que finalement, ces textes ne changeront jamais. Peut-être que je parlerai toujours de mes sentiments, et tentant de les déposer sur un personnage qui me ressemble. Tout ce que j'ai inventé ici, depuis trois ans, se rapporte toujours à quelque chose, ou plutôt quelqu'un. Moi. Et l'écriture. Et le voyage. Et l'amour. Le résumé d'une petite vie de dix-sept ans à peine. 


Tiens c'est marrant, aujourd'hui j'ai écrit une douzaine de pages pour ma matière préférée. La religion est-elle compatible avec la liberté ? J'y ai répondu oui, étonnement. Je me sens satisfait, et je trouve le début de ce petit texte un peu trop triste. Il ne s'agit pas de ça, il s'agit d'absurdité, de quelqu'un qui avance à l'aveugle, en regardant toujours derrière lui. Foutaises. J'essaie juste de me trouver des réponses car je ne trouve pas de réaction adéquate au début de cet écrit. Terrible exercice que de se trouver face à soi-même. On dirait un mélange entre Meursault et 'Extérieur Monde' (très bon roman de cette année). Je ne me sens pas triste pourtant. Je réfléchis encore beaucoup trop. Et toujours cette même conclusion, en marchant dans la brume de ma vie, une capuche sur la tête : j'ai besoin de vacances. A la mer, de préférence.

Ce texte a été écrit et publié également sur le site Bric a Book. La photo est de (c) helloschmitt.

samedi 9 novembre 2019

Un classique de la littérature américaine : Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur d'Harper Lee

Auteure : Harper Lee 

Maison d'édition : Le livre de Poche

Année de sortie : 1960

Nombre de pages : 450 pages





Dans une petite ville d'Alabama, au moment de la Grande Dépression, Atticus Finch élève seul ses deux enfants, Jem et Scout. Homme intègre et rigoureux, cet avocat est commis d'office pour défendre un Noir accusé d'avoir violé une Blanche. Celui-ci risque la peine de mort.







 Cadeau d'anniversaire, ce classique à en devenir (s'il ne l'est pas déjà) de la littérature américaine, que l'on pourrait comparer en terme d'impact et d'époque à un Attrape-Coeurs de Salinger, 'Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur' est une de ces oeuvres dont l'impact se mesure après des semaines, voir des mois suivant la lecture. Que vaut ce Prix Pulitzer, récompense américaine des plus prestigieuses ? Tentative de réponse et décryptage. 






Malgré une époque complètement différente de la nôtre, à savoir les années 60 aux USA, une période où la discrimination raciale est une norme , il est pourtant assez aisé d'entrer dans l'oeuvre d'Harper Lee. Comme nous le laisse présager la couverture, la romancière nous plonge dans la tête d'une jeune fille nommée Scout. Le point de vue est donc interne, on ne connaît ainsi que ses émotions et ses pensées à elle. C'est déjà une bouffée d'air, tant le propos tenu peut parfois s'avérer extraordinaire, dans le sens étymologique du terme. Le fait que ces événements, à savoir le procès de cet homme noir défendu par le père de Scout, Atticus, et tout ce qui l'entoure, nous soit retransmis par une petite fille, permet une meilleure compréhension des enjeux présentés dans l'oeuvre mais aussi un point de vue quelque peu différent, plus innocent et moins empli de gravité que celui du lecteur, qui est presque déjà adulte. 



"Je voudrais que tu comprennes ce qu'est le vrai courage. C'est savoir que tu pars battu d'avance, et malgré cela, agir quand même et tenir jusqu'au bout." 




Avec quelques recherches supplémentaires, on peut rapidement émettre l'hypothèse que ce personnage contient une grande part autobiographique de l'auteur, qui a pleinement vécue ces périodes discriminatoires, avec un regard enfantin puis plus adulte. C'est ici le premier choix qui est privilégié, et c'est en grande partie ce qui offre sa particularité générale à l'oeuvre, tant la vision "jeune" est justement présentée ici. De plus, une petite fille sera plus apte à toucher un large public. Que l'on n'aime ou pas, Scout ne peut, pour sûr, pas vous être indifférent, et c'est déjà une première marque dans l'esprit du lecteur. 




"Tu es trop petite pour comprendre, mais parfois, la Bible est plus dangereuse entre les mains d’un homme qu’une bouteille de whisky entre celles de ton père."


'Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur' présente un fait presque commun, mais avec une remarquable justesse, dans les émotions comme dans le réalisme. On le décrit souvent comme un roman important, et pour cause ce procès envers un homme noir, véritable témoignage et démonstration des moeurs de l'époque. Mais il n'y a pas que ça. Harper Lee ne se contente pas de parler de ce fameux procès avec des termes techniques qui démontrent une certaine documentation. Elle parle aussi de l'atmosphère qui emplit la petite ville où habite Scout, des relations entre les habitants, du rythme de vie de cette époque. Alors qu'on pourrait penser l'oeuvre presque démunie de sentiments avec ce côté procédural, c'est finalement l'inverse qui se produit. L'immersion du lecteur est totale, et pour le coup, Haper Lee a réellement pris le temps de creuser plusieurs personnages de façon éclectique : différentes classes sociales, différentes tranches d'âges sont présentées ici, avec toujours ce point de vue mi-enfantin mi-adolescent. Là encore, Scout nous permet d'avoir littéralement un deuxième avis, puisqu'elle est logiquement moins âgée et donc moins expérimentée que chaque lecteur. Ainsi, nous sommes complètement pris par la lecture de l'ouvrage, qui se lit finalement très rapidement, alors que l'intrigue n'est pas emplie par l'action et le suspens, mais plutôt par un récit fluide, linéaire et quotidien. Expérience surprenante. 



"À Maycomb, si l’on sortait se promener sans but précis, on passait pour n’avoir pas le cerveau très précis non plus." 


A bien y réfléchir, ce qui rend ce petit bijoux si unique, c'est finalement un tout. Un ensemble harmonieux entre l'innocence de l'enfance, amenée par Scout, une ambiance travaillée, amenée par la petite ville d'Alabama et son florilège d'habitants, et une histoire, qui, malgré quelques longueurs dans les descriptions quotidiennes (passage à l'école, embrouilles entre frère et soeur) délivrant un message empli de tolérance, témoignage des années sombres aux Etats-Unis, à savoir les années 50-60-70.



"Et puis les gens n'aiment pas que quelqu'un se vante d'en savoir plus qu'eux."


 C'est avant tout ce qui me semble important de souligner, et c'est ce que j'avais marqué de rouge dans mes quelques notes de post-lecture. 'Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur' est une oeuvre qui est ancrée dans un temps qui n'est plus le nôtre, mais qui malgré tout arrive, par une quelconque magie, à revêtir un aspect actuel surprenant, prenant, révélateur et élégant. Lorsqu'on sait qu'il s'agit de l'unique roman publié par Harper Lee de son vivant, et que celui-ci arrive à le faire passer à la postérité, il n'est plus permis de doute sur la force absolue qui s'en dégage. On peut le relire sans aucun soucis. Très rare dans la littérature. 




"La seule chose qui ne doive pas céder à la loi de la majorité est la conscience de l'individu."


C'est ce dernier point que j'aimerais aborder ici, car c'est celui sur lequel va se terminer cet avis. Je crois, et je suis même sûr, que cet ouvrage possède plusieurs niveaux de lectures. Je pense que vous l'aurez également deviné à travers ces quelques lignes. Toutefois, je crois qu'on vient lire cette oeuvre dans un but précis, et vous-même qui vous y mettrez (peut-être) après cette chronique, vous lirez 'Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur' pour y retrouver un point de vue, un personnage ou un procès important. Comment lire cet oeuvre et en profiter dans sa globalité ? Partir sans rien avoir lu ou entendu dessus sans doute, de la même façon que l'on lit différemment 'Le Petit Prince' avant ou après une épreuve de la vie, dans notre jeunesse ou alors qu'on ait plus de hier que de demain. Dans tous les cas, c'est une (re)découverte. C'est un peu ce que j'ai ressenti après et pendant cette lecture. Très agréable. 








Vendre ce livre comme un roman important ne serait qu'un euphémisme, je dirais même qu'il constitue une lecture nécessaire dans la vie de chacun. Abordable et subtile, proposant des ambivalences et un intérêt très riche, 'Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur fût une lecture plus qu'importante durant mon été. A lire d'urgence.

Témoignage réaliste et cinglant : Mur Méditérranée de Louis-Philippe Dalembert

Auteur : Louis-Philippe Dalembert

Maison d'édition : Sabine Wespieser éditeur

Année de sortie : 2019

Nombre de pages : 336 pages






À Sabratha, sur la côte libyenne, les surveillants font irruption dans l'entrepôt où sont entassées les femmes. Parmi celles qu'ils rudoient pour les obliger à sortir, Chochana, une Nigériane, et Semhar, une Érythréenne. Les deux amies se sont rencontrées là, après des mois d'errance sur les routes du continent. Grâce à toutes sortes de travaux forcés et à l'aide de leurs proches restés au pays, elles se sont acharnées à réunir la somme nécessaire pour payer les passeurs, à un prix excédant celui d'abord fixé. Ce soir-là pourtant, au bout d'une demi-heure de route dans la benne d'un pick-up fonçant tous phares éteints, elles sentent l'odeur de la mer. Un peu plus tôt, à Tripoli, des familles syriennes, habillées avec élégance comme pour un voyage d'affaires, se sont installées dans les minibus climatisés garés devant leur hôtel. Ce 16 juillet 2014, c'est enfin le grand départ. Dima, son mari et leurs deux fillettes ont quitté leur pays en guerre depuis un mois déjà, afin d'embarquer pour Lampedusa. Ces femmes si différentes , Dima la bourgeoise voyage sur le pont, Chochana et Semhar dans la cale , ont toutes trois franchi le point de non-retour et se retrouvent à bord du chalutier, unies dans le même espoir d'une nouvelle vie en Europe. L'entreprenante et plantureuse Chochana, enfant choyé de sa communauté juive ibo, se destinait pourtant à des études de droit, avant que la sécheresse et la misère la contraignent à y renoncer et à fuir le Nigeria. Semhar, elle, se rêvait institutrice, avant d'être enrôlée pour un service national sans fin dans l'armée érythréenne, où elle a refusé de perdre sa jeunesse. Quant à Dima, au moment où les premiers attentats à la voiture piégée ont commencé à Alep, elle en a été sidérée, tant elle pensait sa vie toute tracée, dans l'aisance et conformément à la tradition de sa famille. Les portraits tout en justesse et en empathie que peint Louis-Philippe Dalembert de ses trois protagonistes,  avec son acuité et son humour habituels, leur donnent vie et chair, et les ancrent avec naturel dans un quotidien que leur nouvelle condition de « migrantes » tente de gommer. Lors de l'effroyable traversée, sur le rafiot de fortune dont le véritable capitaine est le chef des passeurs, leur caractère bien trempé leur permettra tant bien que mal de résister aux intempéries et aux avaries. Luttant âprement pour leur survie, elles manifesteront même une solidarité que ne laissaient pas augurer leurs origines si contrastées. S'inspirant de la tragédie d'un bateau de clandestins sauvé par le pétrolier danois Torm Lotte en 2014, Louis-Philippe Dalembert déploie ici avec force un ample roman de la migration et de l'exil.








Lu avec le lycée, dans le cadre du prix Goncourt des Lycéens, ce roman traite d'un sujet que l'on étudie tantôt en cours, à travers quelques extraits et autres photos, en Histoire ou en Français. Ici, le ton est donné dans un résumé ultra-pointilleux : nous sommes ici dans le concret, avec une triple narration sans pincette, de trois destins différents, avec pour tous un même but : le Mur de la Méditerranée.





Beaucoup de choses frappent dans cette oeuvre, qu'il est, à mon sens, essentiel  de découvrir dans le monde qui est le nôtre. Ces hommes, ces femmes qui tentent tous les jours la traversée de cette mer, sont ici mis en valeur, avec une justesse d'écriture, une précision dans la narration qu'il est important de souligner. C'est d'abord ce qui m'a frappé, en tant que lecteur qui sort de sa zone de confort, au point de me questionner. Ces personnages sont-ils inspirés de personnes réelles, ou sont-elles lambda, avec une volonté de rassembler et d'en faire des symboles de cette crise qui touche l'Europe depuis quelques années ?


"La mort, paraît-il, ne surprend jamais personne."

 
 Le travail de documentation proposé dans le roman est complet. Dalembert compose en effet des personnages vraiment fouillés, avec une personnalité qui leur est propre, mais aussi des religions, des réflexions, des traits de caractère uniques. En dehors d'eux, chaque système politique, économique ou religieux est expliqué et simplifié pour devenir accessible à tous. Ainsi, le texte revêt une dimension universelle forte et rare. Qu'il s'agisse de Dima, de Chochana ou de Semhar, chacune touchera plus ou moins l'un ou l'une d'entre nous, pour sa situation, sa façon de voir les choses ou encore les épreuves qu'elles ont traversées pour en arriver là, à défaut de pouvoir réellement s'identifier à elles. C'est tout d'abord par là que passe la force de Mur Méditerranée, celle de ses protagonistes, la volonté du désespoir qui touche en plein coeur quiconque s'aventure au gré de cette plume, quelque part en Afrique ou au Moyen-Orient, jusqu'au bateau final... Pour toujours nous tenir en haleine. Second fait marquant. 


"Parfois, en croyant se sauver, elles tombaient de la poêle à la braise, c'est-à-dire dans les nasses de réseaux de passeurs concurrents, plus féroces encore."




Le style de narration de Louis-Philippe Dalembert est tout à fait novateur. Le récit est à la troisième personne, point de vue omniscient, donc immersion totale au sein des pensées et des ressentis de chacun. Pour accentuer cela, le romancier se base à plusieurs reprises sur des ellipses, où l'on repart de zéro en quelque sorte, pour suivre un nouveau destin, le détailler, le décortiquer, et faire en sorte d'être encore plus touché par leur sort, pour finir. Si ce mode narratif me pesait quelque peu à première vue, puisque le lecteur est tout de même coupé en pleine action présente, c'est-à-dire globalement au moment de l'embarquement. L'herbe coupée sous le pied de cette façon présentait un certain motif de frustration pour moi, qui constitue je pense le seul petit défaut général de l'oeuvre, qui reste malgré tout très prenante, avec ce style narratif particulier, que renforce l'écriture de Dalambert.


"Et les humains, c'est pareil aux arbres, ils ne peuvent vivre sans racines. "


Ce dernier ne prend aucune pincette pour dire ce qu'il y a dire, et décrire. Autant le préciser de suite, les mauvaises conditions d'hygiènes, de vie, la mort, l'abus des passeurs qu'il soit économique ou sexuel, tout est présenté ici, autant pour choquer (prise de conscience quasi instantanée, vous l'aurez compris) que par soucis d'un certain réalisme. C'est aussi à ce niveau que l'on se rend compte du travail de sape de l'auteur, qui emploie des mots justes dans d'autres langues, ou par exemple des prières religieuses pointues et spécifiques à chacun de ses protagonistes. Le voyage forcé est également remarquable, si bien que j'ai parfois été vérifié la succession des pays et des villes pour me tenir au courant de l'avancée des trajets sur un globe terrestre. 







Ce bouquin n'est pas un roman approximatif, rempli de clichés sur cette crise migratoire dont on se fait des idées sans vraiment en connaître les détails (elle n'est pas très médiatisée ni approfondie non plus). Ici, la justesse et la maîtrise font que cette oeuvre de Dalembert doit être lu par jeunes adolescents comme par personnes plus âgés, aussi bien pour son côté narratif prenant que pour son aspect documentaire et témoignage. Une double facette exploitable très intéressante, qui fait du texte un élément d'appui dans des débats éventuels. Pour une première dans ce Goncourt des Lycéens, je suis emporté, touché et convaincu.

vendredi 13 septembre 2019

Roman classique, novateur et déroutant : L'Attrape-coeurs de J.D Salinger

Auteur : J.D Salinger

Maison d'édition : Robert Laffont

Collection : Pavillons Poche

Nombre de pages : 250 pages

Année de sortie : 1961




Non-présent au dos de l'oeuvre et relativement introuvable sur internet, l'auteur reste désireux de préserver quelque mystère sur le contenu.


Parler d'OVNI pour désigner ce roman de J.D Salinger serait ici considérer comme un euphémisme. En effet, cette oeuvre, qui est désormais un classique américain du XXème siècle, a pourtant tout pour énerver. Cassant les codes du personnage comme du langage, le roman a pour mérite de ne laisser personne indifférent face à sa composition ! Longtemps refoulée mon envie de le découvrir, je m'y suis attelé pendant mes vacances, et quelle ne fût pas ma surprise ! Parlons-en un petit peu plus en détail si vous le voulez bien. 




C'est à contre-coeur que je vais devoir vous fournir plusieurs éléments que Salinger aurait pour sûr désiré que je garde secrets, dans le but d'une éventuelle lecture. Mais je crois qu'il est important d'analyser ce bouquin, riche et précurseur à la fois. Analyser mais aussi présenter son ressenti dessus, car il peut autant plaire que se rendre détestable. Etre complet, en somme. 



Eh bien, commençons simplement. L'Attrape Coeurs présente la vie d'Holden, un jeune adolescent turbulent, à la situation familiale difficile, qui est viré de son lycée. Avant même ce départ forcé acté, à la veille des vacances de Noël, le jeune homme décide de fuguer. Le texte présente donc ces trois jours, de la fuite au jour de Noël. Trois jours qui seront décisifs dans la vie du jeune homme. Si on commence simplement, en restant très général, par le contexte et les thèmes abordés, ces derniers suffiraient à eux seuls à créer la controverse. En effet, d'après ces quelques éléments, vous pouvez aisément deviner que l'on ne touche pas ici au parfait petit citoyen d'outre-atlantique, dont la société américaine se préoccupait tant, même encore à notre époque. 



Holden est ce que l'on appelle un anti-héros, l'un des premiers, et l'un des plus marquants également. Ainsi, le roman, dans sa progression, plonge le lecteur dans des milieux tantôt violents, tantôt tabous. La prostitution, l'alcool sont par exemple des thématiques omniprésentes dans le récit. Ce dernier, linéaire et donc sans retour en arrière, propose non seulement des descriptions mais aussi des pistes de réflexion assez précises et innovantes dans leur genre. Si on analyse, on pourrait presque voir une volonté foncière de choquer et de délier les tabous de la part de Salinger, qui ne ménage pas ses mots, ni son personnage, qui subi littéralement sa vie pendant les quelques 72 heures qui suivent sa fuite, plus qu'il n'en profite, comme l'aurait laisser présager les premiers chapitres. Ces thèmes et ce contexte, si ils peuvent choquer, sont aussi intéressants dans l'effet qu'ils offrent au lecteur, puisque ce dernier se sent plus proche d'Holden mais aussi de son créateur. Ce dernier dira d'ailleurs que cet effet est complètement recherché avec l'Attrape-Coeurs : « Mon rêve, c'est un livre qu'on n'arrive pas à lâcher et quand on l'a fini on voudrait que l'auteur soit un copain, un super-copain et on lui téléphonerait chaque fois qu'on en aurait envie."




Poussons quelque peu notre réflexion, avant de passer au personnage d'Holden en lui-même. Le roman paraît en 61, plus d'une décennie après la Seconde Guerre Mondiale. En France, la littérature est marquée par l'engagement idéologique de personnages tels que Sartre mais aussi par l'innovation littéraire avec le mouvement Absurde de Camus (ce dernier est d'ailleurs en opposition forte et majeure avec le premier), Ionesco ou Beckett. Si l'on reprend notre ouvrage, et qu'on constate les véritables épreuves que subit Holden, qui sont en décalage tantôt avec ses réactions (absence de désespoir alors que le quart de ce qui arrive m'aurait poussé à me tirer une balle), on remarque directement que Salinger peut être sous certains auspices inscris dans le vaste genre de l'Absurde. A prendre avec des pincettes toutefois, Holden n'atteignant certainement pas le niveau de détachement vitale de Meursault, digne représentant du mouvement Absurde, étranger à sa propre vie. Peut-être pouvons-nous utiliser ces termes pour décrire l'évolution d'Holden dans sa fugue... A voir. 



Après ce court aparté, parlons plus en détails d'Holden. Là encore, Salinger m'en soit témoins, je suis désolé mais... Jeune homme en décrochage scolaire, issu d'une famille relativement aisé, il a une petite soeur à laquelle il tient beaucoup, personnage que l'on retrouve d'ailleurs dans les derniers chapitres du récit. Fumeur, il a une attitude provocante et sort complètement de la structure narrative et sociétale dont on a l'habitude, encore aujourd'hui, ce qui rend l'oeuvre intemporelle et contribue même à sa considération comme un classique du genre. Pour simplifier : Holden nous raconte son histoire d'un point de vue omniscient, comme si le lecteur lui rend visite et lui demande de raconter sa fugue, plusieurs années après. Il parle ainsi de façon très décontractée, avec les tics de langages qui lui sont propres, autre particularité sur laquelle nous reviendrons juste après. Il est donc, comme cité ci-dessus, un anti-héros parfait. Il ne fait aucune action vraiment correct dans la progression de sa fugue, et visite des milieux difficiles. Il parle relativement vulgairement, et paraît détaché de tout... Pas très convaincant, pour une future lecture ! J'étais exactement comme ça, et puis... Il y a un truc qui marche avec Holden. J'ignore quoi ou comment, mais sa façon de présenter toute chose de façon décalée, de rendre drôle des scènes presque dramatiques, de toujours provoquer la surprise chez le lecteur... Tout cela finit par le rendre attachant, à défaut de vraiment le comprendre, à moins d'être un ado vraiment difficile (et encore, celui-ci est vraiment particulier). On ressent au fur et à mesure une certaine proximité entre le lecteur et Holden, car on se rend compte qu'il ne nous cache rien. Si il manque souvent d'émotions, celles qu'il ressent nous sont réellement livrées. Le lecteur peut le connaitre et le comprendre quasi-parfaitement. Je connais peu de personnages aussi complet et aussi intime que l'a été Holden durant ma lecture. Jolie tour de force, et +1 point pour le réalisme de Salinger. 




Parlons écriture. Pour renforcer la construction de son protagoniste, l'auteur opte pour une écriture moins élégante certes, mais tout aussi profonde. On a affaire à un style très familier, avec des tics de langage et des onomatopées en tout genre. La plume est presque orale ici, comme si on s'adressait à nous de façon personnelle. Réalisme ? Nous y voilà ! Toutefois, le "vous" employé dès le premier chapitre par Holden pourrait être n'importe qui, ce qui attise la curiosité du lecteur, qui se sent visé et à la fois pas du tout. Avec cette plume, Salinger place son lecteur dans une position qui oscille entre la curiosité, le dégoût de la vie, mais aussi la réflexion sur les autres et sur soi-même. Il est capable de nous faire passer par une énorme palette d'émotions, tout en restant fidèle et linéaire dans son récit. L'immersion est totale, vous l'aurez compris. A noter qu'un tel style, certainement unique en son genre (il a dû être repris tout de même, jamais égalé, je pense, si jamais vous avez une suggestion ?), ne doit pas être facile à traduire en notre chère langue française. Il existe deux traductions bien différentes, selon mes informations. A vous de vous décider (la version que j'ai lue est celle en illustration de cette chronique). 



Eh bien, il va être temps pour moi de conclure cette chronique de ce bouquin définitivement pas comme les autres. J'aimerais juste terminer par ces quelques petits faits, que j'ai trouvés en regardant sur le net, avant de commencer à rédiger ce post. L'Attrape-Coeurs, en dehors de toutes ses qualités littéraires présentées au-dessus, possède aussi une véritable histoire avec le pays de l'auteur, à savoir les Etats-Unis. Là-haut, le livre est sujet à controverse, que ce soit pour l'écriture ou les aventures d'Holden, ou même ce dernier en lui-même. Ainsi, il est tantôt banni des programmes dans certains établissements scolaires, tantôt incontournable car l'analyse d'Holden est décrite comme essentielle pour beaucoup. Chapman, le tueur de John Lennon, avait sur lui un exemplaire de l'ouvrage lorsqu'il a tué le chanteur. Le roman était d'ailleurs dédicacé par le membre des Beatles. C'est aussi le roman favori de Bill Clinton. Tout cela prouve que L'Attrape-Coeurs a marqué les Etats-Unis de façon durable, et qu'il peut être considéré comme un classique. 





Ainsi s'achève cette longue chronique de ce classique. Si il a déjà été analysé et décortiqué, j'ai tenté d'y apporter ma vision des choses, tout en exprimant mon ressenti et en y ajoutant une pointe d'interprétation (La L, ça vous gagne). Je ne peux que vous recommander de lire ce bouquin, tant il est un OVNI. On pourrait en parler des heures durant. Un roman qui marque au fer rouge, comme on lit rarement ! 

P-S : Pas de citations, surprise totale ;-) 

lundi 26 août 2019

L'atelier d'écriture n°337 de Leiloona : Fantôme de soi-même



Le lac est un endroit mystérieux, entouré par les légendes des anciens et précédé par une réputation pour le moins macabre. Entourées par une bande de montagnes sombres, les berges confèrent cette impression d'infini, accentué par une brume tenace, qui se colle à l'écume par lambeau. Les touristes, attirés par l'aspect atypique du lieu, ne s'y risquent pourtant que très peu, on est ainsi baigné dans un calme relatif. Seuls quelques pêcheurs aguerris coupent encore les flots avec de vieux rafiots à la coque écaillée par les ans et les traversées successives. Le soleil ne baigne l'ondée que quelques semaines par an, la faute au climat plutôt froid et rugueux de la région. Il ferait un bon décor pour un film sorti tout droit de l'imagination d'un réalisateur comme Burton, saupoudré de quelques créatures fantastiques...    
  
****

L'accès piéton pour être au plus proche des eaux du lac est une berge sauvage, formée par des rochers de tailles diverses. Seuls les locaux et quelques étrangers en quête d'aventures et de sensations fortes ont pris le risque de s'offrir la vue d'ensemble du lac, aussi terrifiante que magnifique. Une vision qui permet à quiconque de se rendre compte de sa petitesse dans ce monde gigantesque. Le côté brumeux offre souvent aux promeneurs et aux photographes des illusions fantomatiques, qui surprennent et terrifient les non-initiés. Illusions fantastiques, qui frôlent le réel, comme dans un film de Burton... 

     ****

Victor est un vieux pêcheur  à la retraite depuis plus d'une décennie, qui a pour habitude de se poster sur la berge sud du lac, aux abords de la berge sauvage, aux alentours de 14h30. Il dépose ainsi face à lui sa harpe, dont l'étui est disposé à sa gauche, précisément à une dizaine de centimètres de sa cuisse. Il prend le temps d'observer l'étendue d'eau, avant d'interpeller quelques passants. Ces derniers s'installent alors à ses côtés, ou dans l'herbe qui parsème le banc et le chemin qui y conduit. C'est alors que Victor, en agrémentant de quelques mélodies hachées son récit, se met à réciter.     


**** 

3 mars 1965. 7h35

Victor aime se balader ici. Seuls quelques oiseaux viennent troubler le calme du lac, à cette heure matinale. Ce dernier est comme un confident pour le jeune homme, qui en profite pour pleurer, crier, rire, seul sur la berge de rochers irréguliers. Il pleure la mort de sa petite soeur, Jeanne, âgé de 10 ans, qui a chuté 2 ans plus tôt dans les eaux sombres et profondes du lac. On n'a jamais retrouvé son petit corps, d'ordinaire si joyeux. Il crie après cette injustice imposée à cette chienne de vie. Il rit en pensant à tous les moments qu'il a passés avec elle, trop courts toutefois. C'est alors qu'en ce matin brumeux, alors qu'il rebroussait chemin, il crut discerner deux ombres. Etonné plus qu'apeuré, Victor s'approche. Encore. Encore. Il n'est qu'à quelques mètres à présent. Et il voit. La première, plus grande que la seconde, lui ressemble étrangement. En fait... C'est lui. Plus vieux, avec une légère barbe de trois jours, et des cheveux en bataille. Lui qui lui sourit. Les yeux écarquillés, il reconnaît Jeanne, dotée du même visage que la dernière fois qu'il ne l'a vu. Elle lui sourit. Ils lui sourient. Victor hurle. Et tombe.     

 ****

Il se réveillera quelques heures plus tard, au même endroit. Sonné. Seul. 


Ce texte a été pour l'atelier d'écriture de Leiloona. La photo est de (c) Samuel Zeller.

dimanche 25 août 2019

Retour, détour, provisoire, durable


Chapitre I : Constat 

Il y a des périodes de la vie qui marquent un être, qui lui permettent d'évoluer de façon durable, de se trouver dans sa façon d'être, dans sa personnalité. L'adolescence est constituée d'une multitude de ses petites périodes, d'une longueur variable, entrecoupées par les moments où l'on stagne, se questionne, avant d'avancer, de nouveau. 

Chapitre II : Expérience personnelle

Je n'ai pas pour habitude de parler à la première personne ici, mais je crois que c'est un passage nécessaire dans ce cas précis, pour une absence inhabituelle de plusieurs mois. 

Celle-ci s'explique tout d'abord pour une période d'examens, dont un oral de français ainsi qu'un écrit non-négligeable au vu de ma filière littéraire. Ceci se traduit par plusieurs heures de révisions tous les jours sur des textes de français plus ou moins complexes, ainsi que des exercices d'écritures en vue de l'épreuve, y compris commentaire ou dissertation, ce qui coupe passablement l'envie d'écrire un avis détaillé littéraire, et encore moins un écrit d'invention pur, où l'on se doit d'être inventif et subtil dans le propos. C'est en tout cas l'une de mes visions de l'écriture. 

Il s'en suit une période estivale criblée par les lectures  de gros classiques et des lectures plus exotiques, entrecoupées par les films et les sorties familiales et amicales. Le cinéma est une découverte merveilleuse, auquel je ne prêtais aucun intérêt avant un regain d'énergie au début de l'été, qui se traduit par une trentaine de visionnages. Une ouverture à une culture jusqu'alors inconnue, en plus d'une montée et d'un retour de l'inspiration, en découle, additionnée aux lectures et aux influences musicales. 


L'auteur, le jeune homme qui se présente ici est un peu plus complet, un peu plus serein, un peu plus confiant aussi. Plus mûr, tout simplement. 

Chapitre III : Conclusion

La vie fait globalement ce qu'elle veut de nous, et non pas le contraire. L'écriture, forme de culture, d'art, si j'ose appeler sans prétention aucune les quelques dizaines de lignes imbriquées sur ce site, est par définition quelque chose qui n'est pas absolument vitale pour l'Homme. C'est aussi quelque chose qui ne se contrôle pas, pour qui accepte de griffonner quelques mots sur une page blanche. On peut perdre le petit truc qui la caractérise pendant plusieurs semaines et d'un coup trouver plusieurs grandes idées en une soirée. C'est aussi ce que j'aime, et ce qui est beau avec une plume, celle qui se cherche encore pour ma part. Proche du but. 

 Pour certains, et je sais ne pas être le seul dans ce cas, l'écriture devient vitale, fait partie de l'être, de la personne, et c'est aujourd'hui ce qui me pousse à venir reprendre du service sur ce site, en constatant les dégâts. Moins de posts, moins de personnes présentes, des partenariats en périls... 

Amoindri. C'est un constat fatal, mais le seul que je sois en mesure de faire. Depuis que j'ai quitté Overblog pour blogger, il y a de cela plus de deux ans, l'activité ici est inconstante. Il m'arrive de publier aussi régulièrement que possible, et de laisser le site pendant presque un mois. Bon là, presque 5 mois, longues vacances…

Je ne vais pas vous promettre un retour en grande force comme je l'aurais fait auparavant, car le tout est impossible, et vous le savez tout aussi bien que moi, sans compter le BAC, le vrai, qui arrive pour moi d'ici quelques mois. Alors... 

Alors quoi ? L'Arbre à Livres avait une vocation très générale à sa création en 2013. J'entame ici ma septième saison en tant que blogueur passionné par la lecture et l'écriture (on peut maintenant ajouter cinéma). 7 est un chiffre clé, que l'on trouve partout (7 merveilles du monde, les 7 péchés capitaux, les 7 nains de Blanche-Neige), qui n'a pour moi aucune raisonnance en particulier, mais que je décide soudain déterminant. Cette année sera plus... Intime. Parler de choses qui m'ont marqué, quand l'inspiration me vient, sans toutefois me forcer. Tel est l'objectif principal que vous trouverez ici, tout en gardant une certaine largesse d'esprit et de contenue. C'est un bon début, pour se (re)trouver. Je m'excuse auprès de tous ceux qui attendaient quelque chose d'autre moi. Je m'excuse pour l'absence. Voici comment je l'assume, et la justifie. 

Prenez soin de vous,

Victor

jeudi 21 mars 2019

L'attaque des Cubes de Marine Cateron

Auteure : Marine Carteron

Maison d'édition : Le Rouergue 

Collection : Dacodac

Année de sortie : 2018

Nombre de pages : 335 pages




Depuis que le magasin Cubetout a ouvert ses portes, des événements très étranges se passent dans le quartier d'Antoine et Vénus. Toutes les personnes qui ont eu le malheur de passer dans cette boutique, dédiée au jeu vidéo Minecraft, en sont ressorties transformées... Comme zombifiées ! Et si Cubetout était une passerelle permettant à Minecraft de nous envahir ? Antoine et Vénus vont lâcher les manettes pour sauver le monde !








Je tiens tout d'abord à remercier les éditions du Rouergue pour cet envoi ! 


Auteure des trilogies des Autodafeurs puis de Génération K, Marine Carteron est une des figures incontournables de la littérature adolescente de ces dernières années. Dotée d'une plume où aventure et humeur s'entremêlent habilement, la romancière propose cette fois-ci un one shot pour une tranche d'âge légèrement inférieure. Voyons donc le résultat ! 








"Des objets virels : moitié virtuels, moitié réels. Ils utilisent les propriétés des deux mondes...et permettent de passer de l'autre côté." 




Cette lecture me sort quelque peu de ma zone de confort, puisque je ne suis en aucun cas amateur de Minecraft et de quelconque jeux vidéo, autant par manque d’intérêt que de temps. Je n'avais par ailleurs jamais lu un seul roman avec pour univers un jeux vidéo. C'était l'occasion, surtout que j'avais adoré le premier tome des Autodafeurs, lu il y a plus d'un an maintenant. Ici, il n'est pas question de pouvoir et d'histoires de famille, mais d'une histoire entre le monde virtuel et irréel. Deux personnages sont au centre de l'aventure : Vénus et Antoine. Le récit est à la première personne, raconté par ce dernier. Cette narration interne apporte pas mal de rythme à l'histoire, puisqu'elle permet une meilleure immersion dans l'aventure, un petit peu à la manière d'un jeux vidéo, si l'on peut se permettre la comparaison. Si j'ai pu avoir peur de lire quelque chose de lisse, mes craintes ont vite été dissipées. En effet, Marine Carteron nous plonge très vite dans cette aventure hors-norme. Si un certain mystère plane autour de ce magasin dans la première moitié du roman, les révélations le concernant entraînent une série d'aventures loufoques et trépignantes, entre réalité et virtualité. La romancière ne nous laisse aucune seconde de répit, et même si parfois l'histoire peut paraître bloquée, il y a toujours un détail ou une nouvelle piste à explorer. Aucun essoufflement n'est permis, si ce n'est certaines scènes de dialogue plutôt humoristiques entre les différents protagonistes de l'histoire. Marine Carteron arrive à lier humour, suspens et action tout en restant originale et cohérente dans son récit, et c'est un cocktail explosif, qui permet une immersion totale, des petits comme des grands, aux gamers et non-gamers. 




"Je dois me frotter les yeux pour être certain de ne pas avoir rêvé. Mais non. Madame Laglu est bien en train de sourire."


La réussite général du bouquin tient aussi dans la relation qu'entretiennent Vénus et Antoine, les deux jeunes personnages principaux de cette aventure. Ces derniers sont le total opposé l'un de l'autre. Si Vénus est très maline et fait preuve d'une grande perspicacité tout au long du livre, son meilleur ami se distingue quant à lui par sa trouillardise et ses gaffes. C'est pour cette raison en partie qu'il est si drôle de voir ce point de vue, puisqu'Antoine refuse souvent de voir la vérité sur ses actes et son comportement en face. On rigole beaucoup ! Et comment écrire quelques lignes sur les personnages sans vous parler d'Adem, le troisième membre du groupe si l'on peut dire, qui, contrairement à ce que j'avais imaginé au début du roman, n'est pas un personnage secondaire, et occupe une grande place durant tout le bouquin. Sa confiance en lui, ses paroles, ses mimiques. Un sourire constant, si l'on peut dire ainsi. Sacré trio, vous dites ? 



" Et avant de changer d'avis, nous franchissons le portail de l'Overworld avec notre méga garde du corps en fer."


Après ses trilogies aux succès conséquents dans le domaine du Young-Adult, Marine Carteron a pleinement su s'adapter à un public un peu plus jeune. L'écriture est d'une façon générale simple et accessible, de même que l'humour proposé, sans toutefois qu'il ne devienne lourd ou grotesque pour le lecteur. Le récit est bien ficelé, sans incohérence, et on se laisse bercer par cette lecture intéressante et prenante. Un nouveau domaine pour l'auteure, une réussite pleine ! 








Marine Carteron vise une tranche d'âge nouvelle avec ce one-shot haut en couleur, rempli d'humour, d'action et d'originalité. Simple à lire et prenant, il possède les atouts nécessaires pour séduire petits et grands !

vendredi 22 février 2019

Fréquence Oregon de Loïc Le Pallec

Auteur : Loïc Le Pallec

Maison d'édition : Sarbacane

Collection : Exprim'

Nombre de pages : 248 pages

Année de sortie : 2018



 La Terre, dans quelques années… À l’abri d’un monde en proie au chaos, dans un luxueux complexe pour familles fortunées, Alta Luna s’ennuie entre une mère dépressive et un père débordé. Heureusement, il y a les amis : Jonas, un peintre bâti comme un gladiateur, et Gaspard, qui dispute d’interminables parties d’échecs avec le robot Seven.

Un jour, un couple de jeunes déserteurs échouent sur les côtes de ce paradis – ils sont aussitôt emprisonnés. Alta Luna, Jonas et Gaspard décident d’organiser leur évasion, avant de s’envoler à bord d’un petit avion avec leurs protégés et Seven.

Leur destination ? L’Oregon. Un mystérieux « capitaine Green » est, paraît-il, en train d’y bâtir un monde nouveau…




Je tiens tout d'abord à remercier les éditions Sarbacane pour cet envoi ! 


Ça fait un long, très long moment que je voulais lire un roman de Loïc Le Pallec : le premier qu'il a publié dans la collection Exprim', en 2014 : No man's Land. Ce dernier est une histoire post-apocalyptique, dans laquelle nous suivons l'aventure de robots qui se retrouvent esseulés dans une ville, sans aucun humain. Beaucoup envié, jamais découvert, malheureusement. En ce début 2019, on retrouve un ouvrage qui s'inscrit dans le même genre, à savoir le post-apocalyptique. Une histoire ? Un road-trip. Rien de plus alléchant. Bon voyage ! 





"- Eh bien, je crois que chaque être humain cherche à donner un sens à sa vie ."

Je trouve que l'atmosphère retranscrit dans cette aventure est vraiment stupéfiante, de part sa simplicité et son réalisme. C'est évident : si le monde actuel se développe, avec sa multitude de conflits internationaux, et ses inégalités grandissantes entre les riches et les classes moyennes. C'est une petite gifle, dès les premiers paragraphes. Le lecteur rencontre ensuite tour à tour :  Alta Luna, Jonas, Gaspard et Seven. Tous habitent dans un petit cocon luxueux, de part la situation ultra fortunée de leur famille respective. Un lieu qui se révèle très vite oppressant, où riches et robots cohabitent. Seven fait d'ailleurs parti de cette dernière classe. Pour être tout à fait honnête, le désir d'échapper à ce lieux devient aussi pressant pour nous que pour Alta et ses amis. Malgré une mise en place un peu longue, c'est bel et bien la partie du voyage qui se révèle être la plus enrichissante, surprenante, intéressante, et immersive, avec des rencontres, des aventures et des rebondissements à foison, pour le plus grand plaisir du lecteur, rendant un peu moins heureux les personnages principaux. On en oublierait presque parfois la quête principale de ce voyage : l'Oregon et son fameux capitaine Green. 


"Au cours de son existence, chaque être humain devrait avoir la chance de vivre certains épisodes marquants (…)"


A travers ces péripéties, l'auteur arrive vraiment bien à montrer tous les aspects que l'humanité pourrait revêtir si tout se passe d'une mauvaise façon. On croise ainsi l'extrême pauvreté, la charité mais aussi des gens sauvés par leurs croyances religieuses et des jeunes qui cherchent un objectif, véritablement. On comprend vite que la suprême intelligence est symbolisée par les robots, qui vivent en paix et en harmonie. En ce sens, ce roman démontre beaucoup de choses, en plus d'un récit riche et d'une histoire vraiment prenante et intéressante. Si il constitue, au même titre que No man's Land, une grosse prise de risque pour la maison d'édition, c'est un pari pleinement réussi, à l'image de la sublime couverture.
Si l'univers et l'histoire sont des points bien développés, les personnages ne sont pas en reste dans la réussite générale. On retrouve donc Alta Luna et sa bande comme personnages principaux. La jeune femme est un très bon personnage, dans le sens où elle est fouillée, et donc loin des sentiers battus que l'on trouve habituellement dans ce genre et dans cette catégorie littéraire. D'un point de vue moral, le lecteur a un plein accès à ce qu'elle pense et ressent, car le récit est à la première personne. Il permet donc une compréhension rapide d'Alta Luna, et en découle un attachement quasi instantané, voir une identification. Les autres personnages ne sont pas en reste, possédant chacun des atouts et des défauts qui les rendent uniques. D'un point de vue personnel, j'accorderais ma préférence à Gaspard, qui est peut-être le personnage qui m'a le plus touché, avec son côté très sensible mais si inaccessible, au vue de sa culture générale et de son intelligence dans le domaine informatique notamment. Pour moi, Gasparov (surnom que lui attribut souvent Alta Luna dans le bouquin) va de paire avec Seven, son fidèle compagnon, qui, si il était là uniquement pour divertir Gaspard au début, devient un membre de l'expédition, et d'autant plus un ami, pour eux comme pour nous. Il en résulte une belle petite bande éclectique, où la sagesse se mêle à des coups de têtes, où le rire laisse place aux larmes, où il fait bon de vivre, dans un monde où l'envie de vivre semble si rare


"Bon sang, ils sont riches à faire peur !! Ils n'en auront donc jamais assez ?!- Il n'y a pas de limites à la cupidité…"


Pour une première lecture, Lois le Pallec me donne grand envie de découvrir ses anciens ouvrages, et encore plus celui dont je vous parlais en introduction. Avec une plume fluide, que l'on peut suivre facilement, même si l'on est un peu plus jeune, à savoir 13 ans et ses alentours, l'auteur offre quelque chose de complet et original. Evidemment, le lire à un âge plus jeune fera que l'on occultera certains aspects importants dans la compréhension générale de l'oeuvre, mais elle reste évidemment pleinement divertissante. 





Un roman qui me sort de ma zone confort, pour une aventure riche et enivrante, peuplée par des personnages profonds attachants, dans un univers futuriste mais terriblement réaliste. Réussite pleine, cap'tain le Pallec !

mardi 5 février 2019

Coeur Battant d'Axl Cendres

Auteur : Axl Cendres

Maison d'édition : Sarbacane

Collection : Exprim'

Année de sortie : 2018

Nombre de pages : 192 pages






Alex, 17 ans, est un « hors-la vie ». Après avoir essayé d’éteindre son cœur, il se retrouve dans une clinique pour y être « réhabilité à la vie ». Il y rencontre Alice, aussi belle que cynique ; Victor, aussi obèse que candide ; la vieille Colette, aussi espiègle qu’élégante ; et Jacopo, aussi riche que grincheux. À eux cinq, ils décident de s’évader de la clinique, direction le manoir de Jacopo. Le but du voyage ? Se jeter d’une falaise, tous ensemble – ça leur fera un projet commun !

Mais la route va leur réserver plusieurs surprises. Assez pour qu’Alex se demande si, finalement, la vie n’en vaut pas la douleur…








Je tiens à remercier l'auteure de ce roman, Axl Cendres, pour l'envoi de son roman ! 



Nous y voici donc. Le roman d'après, celui qui a la lourde tâche de succéder au fabuleux Dysfonctionnelle, accrocher sur l'un des pans de la chambre, à présent. Beaucoup de pression, plus d'excitation encore. Un poil d'appréhension. Un thème : le suicide. Let's go. 





"La vie est un cadeau, et ça ne se fait pas de rendre un cadeau."


Alex a 17 ans, et vient de rater une tentative de suicide, c'est pour cette raison qu'il est envoyé dans un institut spécialisé, où il intègre ce groupe des suicidants. Si l'on saute quelques étapes, des rencontres, un quotidien ennuyeux entre les quatre murs de l'institut, on se retrouve au coeur d'un voyage pour la mort. Ou la vie. Résumé comme ça, vous vous rendez aisément compte que l'on change beaucoup d'ambiance dans ce texte. Comme d'émotions en faite. On rigole beaucoup, malgré le sujet plutôt difficile à aborder dans un angle humoristique. On est ému, c'est évident. Mais c'est tout de même l'humour qui prime, et je trouve très fort, et à la fois peu étonnant quand on connaît Axl et ses romans. Je pense que cela vient des personnages, et ça se ressent dès les premières lignes avec la narration interne d'Alex.




"La mort est juste un truc que Dieu a inventé pour qu'on croit en lui."


Celui-ci, à l'image de tous les protagonistes, est comme en décalage avec le monde qui l'entoure, et la vie. Cela crée directement une atmosphère particulière, qui nous reprend dès que l'on recommence à plonger dans l'histoire. Celle-ci est donc fragmentée, mais chacune de ces parties est très intéressante pour le lecteur, car elles permettent d'apprivoiser les personnages, de les comprendre en quelque sorte, de s'habituer à l'atmosphère également. Une fois plongé, impossible d'en sortir. On se découvre toujours un intérêt nouveau pour tel ou tel détail, pour tel ou tel personnage. C'est poétique, beau, original. Axl Cendres transforme la mort et ce voyage vers celle-ci en une sorte de renaissance. C'est, en ce sens, une oeuvre qui nous fait du bien, car elle nous en apprend un peu plus sur eux, sur l'espère humaine et la manière dont celle-ci réagit face à la mort et au désespoir, mais aussi sur nous-même, le lecteur. Je soupçonne d'ailleurs qu'il y ait derrière tout cela une part plus ou moins importante d'autobiographie d'Axl. Si l'on modifie à peine l'ordre des lettres, Alex devient Axel... 




"L'amour, ça te révèle jusqu'où tu peux souffrir et faire souffrir."


Ce petit bijoux ne serait rien sans ses personnages. Ces derniers ont tous un profil très différent, de même qu'un parcours dans la vie assez propre à chacun. Réunis là pour une même cause : le suicide. Mais un suicide pour différentes raisons. Ce large choix, assez éclectique, permet au lecteur de s'identifier à l'un ou l'autre, en fonction de sa vie et de son expérience. Si certains "cas" se rapprochent, comme Alice et Victor, qui sont tous les deux des adolescents victimes de la société actuelle, de ses idées et de ses codes, en quelque sorte. Toutefois, leur caractère respectif est tellement aux antipodes l'un de l'autre qu'ils en deviennent extrêmement différents. On s'attache tout autant à la sympathique et atypique Colette, veuve et poète à ses heures perdues. Jacopo, le dernier personnage avant de parler d'Alex, n'est peut-être pas celui qui crève l'écran, ses interventions étant rares et similaires, mais il est sans doute le plus complexe d'entre tous, avec la lumière de la fin du roman. Le plus fatal, si l'on devait chercher un adjectif pour le caractériser, sans trop en dévoiler non plus.




"Peut-être que le ciel réalise les rêves que la terre assassine."


Alex. Le narrateur et personnage principal de cette aventure. Un adolescent en souffrance, qui pense avoir sa propre vérité sur le sens de la vie, de sa vie. Si les débuts ont pour ma part pu être un peu difficiles, avec un petit temps d'adaptation, j'ai très vite su comprendre et apprécier la compagnie de cet adolescent, avec son côté lumineux mais sombre, aussi.  J'ai beaucoup pensé à lui, durant ma période de lecture, lorsque je n'avais pas le livre entre les mains. Une question m'a toujours hanté, et me hante toujours : Est-ce que je suis capable de comprendre Alex ? En cela résulte toute la complexité de ce protagoniste, et du bouquin en général. Si le lecteur a envie de les aider, le peut-il vraiment ? Sommes-nous capable d'apporter une réponse, l'aide dont ces gens ont besoin ? Je ne sais pas. Alex est attachant, et même si, au fur et à mesure des chapitres, nous finissons par obtenir des réponses sur ce qui a conduit le jeune adolescent à commettre pareil acte, la sensation qu'il reste une part de mystère dans tout cela, avec des non-dits sur les pensées de chacun, se fait sentir, pas très forte, mais suffisamment pour que l'on s'en rende compte. Alex, en ce sens, reste un personnage attachant, sans être un modèle, mais il est tout de même compliqué de s'attacher à lui, si le lecteur n'a pas été confronté à quelque chose de similaire dans sa vie propre, et ce postulat est valable pour tous les protagonistes de Coeur Battant.
La plume est efficace et concise, on relèvera ici la presque totalité des répliques de Colette, qui n'est pas en reste sur les devises, les proverbes et autres belles phrases avec figures de style concernant l'amour, la vie, la mort. Parfois un peu dans l’exagération, la doyenne de ce voyage. 




"La vie et la boxe, c'est kif-kif - être un bon cogneur ne suffit pas, l'important est de continuer à avancer quand tu reçois des coups."


Comme je le disais plus haut, c'est un roman intéressant et important, qui aide à comprendre la notion encore tabou dans notre société de suicide et de dépression. Deux choses qui amènent parfois le contraire, c'est-à-dire l'amour, la passion. La vie ou la mort










Je pensais avoir lu le meilleur d'Axl Cendres avec Dysfonctionnelle. Si celui-ci reste mon préféré pour son impact lors de ma lecture, Coeur Battant se révèle être excellent également, à sa manière, pour son histoire aussi poétique qu'atypique, pour ses personnages aussi beaux que complexes et l'atmosphère qui s'en dégage. Coup de coeur (battant).