vendredi 22 février 2019

Fréquence Oregon de Loïc Le Pallec

Auteur : Loïc Le Pallec

Maison d'édition : Sarbacane

Collection : Exprim'

Nombre de pages : 248 pages

Année de sortie : 2018



 La Terre, dans quelques années… À l’abri d’un monde en proie au chaos, dans un luxueux complexe pour familles fortunées, Alta Luna s’ennuie entre une mère dépressive et un père débordé. Heureusement, il y a les amis : Jonas, un peintre bâti comme un gladiateur, et Gaspard, qui dispute d’interminables parties d’échecs avec le robot Seven.

Un jour, un couple de jeunes déserteurs échouent sur les côtes de ce paradis – ils sont aussitôt emprisonnés. Alta Luna, Jonas et Gaspard décident d’organiser leur évasion, avant de s’envoler à bord d’un petit avion avec leurs protégés et Seven.

Leur destination ? L’Oregon. Un mystérieux « capitaine Green » est, paraît-il, en train d’y bâtir un monde nouveau…




Je tiens tout d'abord à remercier les éditions Sarbacane pour cet envoi ! 


Ça fait un long, très long moment que je voulais lire un roman de Loïc Le Pallec : le premier qu'il a publié dans la collection Exprim', en 2014 : No man's Land. Ce dernier est une histoire post-apocalyptique, dans laquelle nous suivons l'aventure de robots qui se retrouvent esseulés dans une ville, sans aucun humain. Beaucoup envié, jamais découvert, malheureusement. En ce début 2019, on retrouve un ouvrage qui s'inscrit dans le même genre, à savoir le post-apocalyptique. Une histoire ? Un road-trip. Rien de plus alléchant. Bon voyage ! 





"- Eh bien, je crois que chaque être humain cherche à donner un sens à sa vie ."

Je trouve que l'atmosphère retranscrit dans cette aventure est vraiment stupéfiante, de part sa simplicité et son réalisme. C'est évident : si le monde actuel se développe, avec sa multitude de conflits internationaux, et ses inégalités grandissantes entre les riches et les classes moyennes. C'est une petite gifle, dès les premiers paragraphes. Le lecteur rencontre ensuite tour à tour :  Alta Luna, Jonas, Gaspard et Seven. Tous habitent dans un petit cocon luxueux, de part la situation ultra fortunée de leur famille respective. Un lieu qui se révèle très vite oppressant, où riches et robots cohabitent. Seven fait d'ailleurs parti de cette dernière classe. Pour être tout à fait honnête, le désir d'échapper à ce lieux devient aussi pressant pour nous que pour Alta et ses amis. Malgré une mise en place un peu longue, c'est bel et bien la partie du voyage qui se révèle être la plus enrichissante, surprenante, intéressante, et immersive, avec des rencontres, des aventures et des rebondissements à foison, pour le plus grand plaisir du lecteur, rendant un peu moins heureux les personnages principaux. On en oublierait presque parfois la quête principale de ce voyage : l'Oregon et son fameux capitaine Green. 


"Au cours de son existence, chaque être humain devrait avoir la chance de vivre certains épisodes marquants (…)"


A travers ces péripéties, l'auteur arrive vraiment bien à montrer tous les aspects que l'humanité pourrait revêtir si tout se passe d'une mauvaise façon. On croise ainsi l'extrême pauvreté, la charité mais aussi des gens sauvés par leurs croyances religieuses et des jeunes qui cherchent un objectif, véritablement. On comprend vite que la suprême intelligence est symbolisée par les robots, qui vivent en paix et en harmonie. En ce sens, ce roman démontre beaucoup de choses, en plus d'un récit riche et d'une histoire vraiment prenante et intéressante. Si il constitue, au même titre que No man's Land, une grosse prise de risque pour la maison d'édition, c'est un pari pleinement réussi, à l'image de la sublime couverture.
Si l'univers et l'histoire sont des points bien développés, les personnages ne sont pas en reste dans la réussite générale. On retrouve donc Alta Luna et sa bande comme personnages principaux. La jeune femme est un très bon personnage, dans le sens où elle est fouillée, et donc loin des sentiers battus que l'on trouve habituellement dans ce genre et dans cette catégorie littéraire. D'un point de vue moral, le lecteur a un plein accès à ce qu'elle pense et ressent, car le récit est à la première personne. Il permet donc une compréhension rapide d'Alta Luna, et en découle un attachement quasi instantané, voir une identification. Les autres personnages ne sont pas en reste, possédant chacun des atouts et des défauts qui les rendent uniques. D'un point de vue personnel, j'accorderais ma préférence à Gaspard, qui est peut-être le personnage qui m'a le plus touché, avec son côté très sensible mais si inaccessible, au vue de sa culture générale et de son intelligence dans le domaine informatique notamment. Pour moi, Gasparov (surnom que lui attribut souvent Alta Luna dans le bouquin) va de paire avec Seven, son fidèle compagnon, qui, si il était là uniquement pour divertir Gaspard au début, devient un membre de l'expédition, et d'autant plus un ami, pour eux comme pour nous. Il en résulte une belle petite bande éclectique, où la sagesse se mêle à des coups de têtes, où le rire laisse place aux larmes, où il fait bon de vivre, dans un monde où l'envie de vivre semble si rare


"Bon sang, ils sont riches à faire peur !! Ils n'en auront donc jamais assez ?!- Il n'y a pas de limites à la cupidité…"


Pour une première lecture, Lois le Pallec me donne grand envie de découvrir ses anciens ouvrages, et encore plus celui dont je vous parlais en introduction. Avec une plume fluide, que l'on peut suivre facilement, même si l'on est un peu plus jeune, à savoir 13 ans et ses alentours, l'auteur offre quelque chose de complet et original. Evidemment, le lire à un âge plus jeune fera que l'on occultera certains aspects importants dans la compréhension générale de l'oeuvre, mais elle reste évidemment pleinement divertissante. 





Un roman qui me sort de ma zone confort, pour une aventure riche et enivrante, peuplée par des personnages profonds attachants, dans un univers futuriste mais terriblement réaliste. Réussite pleine, cap'tain le Pallec !

mardi 5 février 2019

Coeur Battant d'Axl Cendres

Auteur : Axl Cendres

Maison d'édition : Sarbacane

Collection : Exprim'

Année de sortie : 2018

Nombre de pages : 192 pages






Alex, 17 ans, est un « hors-la vie ». Après avoir essayé d’éteindre son cœur, il se retrouve dans une clinique pour y être « réhabilité à la vie ». Il y rencontre Alice, aussi belle que cynique ; Victor, aussi obèse que candide ; la vieille Colette, aussi espiègle qu’élégante ; et Jacopo, aussi riche que grincheux. À eux cinq, ils décident de s’évader de la clinique, direction le manoir de Jacopo. Le but du voyage ? Se jeter d’une falaise, tous ensemble – ça leur fera un projet commun !

Mais la route va leur réserver plusieurs surprises. Assez pour qu’Alex se demande si, finalement, la vie n’en vaut pas la douleur…








Je tiens à remercier l'auteure de ce roman, Axl Cendres, pour l'envoi de son roman ! 



Nous y voici donc. Le roman d'après, celui qui a la lourde tâche de succéder au fabuleux Dysfonctionnelle, accrocher sur l'un des pans de la chambre, à présent. Beaucoup de pression, plus d'excitation encore. Un poil d'appréhension. Un thème : le suicide. Let's go. 





"La vie est un cadeau, et ça ne se fait pas de rendre un cadeau."


Alex a 17 ans, et vient de rater une tentative de suicide, c'est pour cette raison qu'il est envoyé dans un institut spécialisé, où il intègre ce groupe des suicidants. Si l'on saute quelques étapes, des rencontres, un quotidien ennuyeux entre les quatre murs de l'institut, on se retrouve au coeur d'un voyage pour la mort. Ou la vie. Résumé comme ça, vous vous rendez aisément compte que l'on change beaucoup d'ambiance dans ce texte. Comme d'émotions en faite. On rigole beaucoup, malgré le sujet plutôt difficile à aborder dans un angle humoristique. On est ému, c'est évident. Mais c'est tout de même l'humour qui prime, et je trouve très fort, et à la fois peu étonnant quand on connaît Axl et ses romans. Je pense que cela vient des personnages, et ça se ressent dès les premières lignes avec la narration interne d'Alex.




"La mort est juste un truc que Dieu a inventé pour qu'on croit en lui."


Celui-ci, à l'image de tous les protagonistes, est comme en décalage avec le monde qui l'entoure, et la vie. Cela crée directement une atmosphère particulière, qui nous reprend dès que l'on recommence à plonger dans l'histoire. Celle-ci est donc fragmentée, mais chacune de ces parties est très intéressante pour le lecteur, car elles permettent d'apprivoiser les personnages, de les comprendre en quelque sorte, de s'habituer à l'atmosphère également. Une fois plongé, impossible d'en sortir. On se découvre toujours un intérêt nouveau pour tel ou tel détail, pour tel ou tel personnage. C'est poétique, beau, original. Axl Cendres transforme la mort et ce voyage vers celle-ci en une sorte de renaissance. C'est, en ce sens, une oeuvre qui nous fait du bien, car elle nous en apprend un peu plus sur eux, sur l'espère humaine et la manière dont celle-ci réagit face à la mort et au désespoir, mais aussi sur nous-même, le lecteur. Je soupçonne d'ailleurs qu'il y ait derrière tout cela une part plus ou moins importante d'autobiographie d'Axl. Si l'on modifie à peine l'ordre des lettres, Alex devient Axel... 




"L'amour, ça te révèle jusqu'où tu peux souffrir et faire souffrir."


Ce petit bijoux ne serait rien sans ses personnages. Ces derniers ont tous un profil très différent, de même qu'un parcours dans la vie assez propre à chacun. Réunis là pour une même cause : le suicide. Mais un suicide pour différentes raisons. Ce large choix, assez éclectique, permet au lecteur de s'identifier à l'un ou l'autre, en fonction de sa vie et de son expérience. Si certains "cas" se rapprochent, comme Alice et Victor, qui sont tous les deux des adolescents victimes de la société actuelle, de ses idées et de ses codes, en quelque sorte. Toutefois, leur caractère respectif est tellement aux antipodes l'un de l'autre qu'ils en deviennent extrêmement différents. On s'attache tout autant à la sympathique et atypique Colette, veuve et poète à ses heures perdues. Jacopo, le dernier personnage avant de parler d'Alex, n'est peut-être pas celui qui crève l'écran, ses interventions étant rares et similaires, mais il est sans doute le plus complexe d'entre tous, avec la lumière de la fin du roman. Le plus fatal, si l'on devait chercher un adjectif pour le caractériser, sans trop en dévoiler non plus.




"Peut-être que le ciel réalise les rêves que la terre assassine."


Alex. Le narrateur et personnage principal de cette aventure. Un adolescent en souffrance, qui pense avoir sa propre vérité sur le sens de la vie, de sa vie. Si les débuts ont pour ma part pu être un peu difficiles, avec un petit temps d'adaptation, j'ai très vite su comprendre et apprécier la compagnie de cet adolescent, avec son côté lumineux mais sombre, aussi.  J'ai beaucoup pensé à lui, durant ma période de lecture, lorsque je n'avais pas le livre entre les mains. Une question m'a toujours hanté, et me hante toujours : Est-ce que je suis capable de comprendre Alex ? En cela résulte toute la complexité de ce protagoniste, et du bouquin en général. Si le lecteur a envie de les aider, le peut-il vraiment ? Sommes-nous capable d'apporter une réponse, l'aide dont ces gens ont besoin ? Je ne sais pas. Alex est attachant, et même si, au fur et à mesure des chapitres, nous finissons par obtenir des réponses sur ce qui a conduit le jeune adolescent à commettre pareil acte, la sensation qu'il reste une part de mystère dans tout cela, avec des non-dits sur les pensées de chacun, se fait sentir, pas très forte, mais suffisamment pour que l'on s'en rende compte. Alex, en ce sens, reste un personnage attachant, sans être un modèle, mais il est tout de même compliqué de s'attacher à lui, si le lecteur n'a pas été confronté à quelque chose de similaire dans sa vie propre, et ce postulat est valable pour tous les protagonistes de Coeur Battant.
La plume est efficace et concise, on relèvera ici la presque totalité des répliques de Colette, qui n'est pas en reste sur les devises, les proverbes et autres belles phrases avec figures de style concernant l'amour, la vie, la mort. Parfois un peu dans l’exagération, la doyenne de ce voyage. 




"La vie et la boxe, c'est kif-kif - être un bon cogneur ne suffit pas, l'important est de continuer à avancer quand tu reçois des coups."


Comme je le disais plus haut, c'est un roman intéressant et important, qui aide à comprendre la notion encore tabou dans notre société de suicide et de dépression. Deux choses qui amènent parfois le contraire, c'est-à-dire l'amour, la passion. La vie ou la mort










Je pensais avoir lu le meilleur d'Axl Cendres avec Dysfonctionnelle. Si celui-ci reste mon préféré pour son impact lors de ma lecture, Coeur Battant se révèle être excellent également, à sa manière, pour son histoire aussi poétique qu'atypique, pour ses personnages aussi beaux que complexes et l'atmosphère qui s'en dégage. Coup de coeur (battant).