lundi 19 juin 2017

L'atelier d'écriture n°272 de Leiloona : Puzzle Solitaire (2) : Réveil.

Le lien du premier texte ici.






L'homme ouvre les yeux. Etalé dans une herbe fraîchement éclaboussée par la rosée matinale, il se redresse doucement, et, avec des gestes un peu gauches, s'étire lentement, faisant craquer quelques os capricieux de son jeune corps en ce début de journée. Le soleil se cache encore derrières quelques lambeaux de nuages grisâtres, mais il ne va pas tarder à se lever, l'homme en est certain. S'ébouriffant de longs cheveux bouclés dépassant très largement d'un crâne qu'il juge trop petit, ce dernier regagne d'une lente démarche la petite bagnole qui lui sert d'abri. Rien de tel qu'une petite nuit à la belle étoile, pour remplir sa caboche et rêver pensa-t-il alors qu'il s'installe sur la banquette arrière de celle qu'il se plaît à surnommer affectueusement "L'Epave". Ou plutôt cauchemarder rectifia-t-il après réflexion, se remémorant sa nuit mouvementée. S'allongeant à demi, les pieds dépassant par une fenêtre ouverte, tentative désespérée pour capturer une quelconque fraîcheur en ce début d'une journée qui s'annonce chargée. En y pensant, il lâche un soupir et commence à réciter ce qu'il devra faire un peu plus tard dans la matinée. Le coeur ensoleillé, il reste tout de même de bonne humeur, et pourrait presque s'endormir, si dans un éclair de lucidité, il parvient à rester seul maître de lui-même. Après quelques dizaines de minutes passées dans cette position, il décide de passer à l'avant, siège conducteur. Regard rapide vers l'heure. C'est qu'il a le temps, le jeune ! pensa-t-il avec un rire de satisfaction. D'un geste las, il pousse le bouton de la radio et se laisse à nouveau bercer, mais cette fois par la douce voix qui en sort : 


"Pacifique... Océan Pacifique..."


Il aime ce moment, il en a besoin. La mélodie le berce, le calme, le rend plus serein pour affronter la suite. Il se sent intouchable. C'est le moment. C'est son moment. L'homme se sent invincible. Le vent le fouette par la vitre avant, ouverte elle aussi. Peu à peu, il sombre dans un état de semi-conscience. Il n'est plus que pensée. Il s'invente des tas d'histoires, où il est le protagoniste tantôt, parfois un simple figurant. Il pense à la photo, il se met en scène dans celle-ci, réfléchit sur lui, se pose des questions. Son corps n'est plus. Il n'est que pensée.


Soudainement, la musique s'interrompt. L'Epave devient silencieusement lourde. L'homme se redresse. Quelques secondes. Un grésillement. Il tressaille. Une voix se met en route. Rauque. Lente. 


Ils ne me veulent pas de bien.
Le mal les habite.
Traverse leurs entrailles.
Coule dans leurs veines.
La folie habite leur coeur.
Je nage dans une piscine d'horreur...
Et de souvenirs...
Les flocons ensanglantés d'une plume torturée
Se perdent sur un sol où s'entassent des points d'interrogations
Parfois je me perds en pensée
Puis je me réveille en criant…


Le cauchemar. L'homme comprend qu'il doit y aller. Il démarre lentement, et, dans une petite larme ensanglanté, se dirige vers sa prochaine étape. 


Ce texte a été écrit pour l'atelier d'écriture de Leiloona. La photo est libre de droit, je n'ai pas trouvé l'auteur.

5 commentaires:

  1. un homme solitaire qui a besoin de peu !!
    contente de te lire Victor- des exams cette année-?
    rêve ou cauchemar suivre ses intuitions---
    bisous ! belle semaine-

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  2. Le suspense est à son comble. Les mots que tu distilles tout au long de ton texte (et du précédent que je viens de lire) le rende à la fois énigmatique, troublant et haletant ! Alors évidemment, te voilà obligé d’écrire une suite. Merci pour cette lecture étrange ! Jos

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  3. Ah ben oui, comme dit Jos, tu nous laisses le récit en suspension là ! :)

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  4. Et la suite et la suite ? C'est qu'on s'y prend dans cette histoire, on y est happé !

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  5. Un texte bien mystérieux. Est-ce le délire d'un homme malade, est-ce un cauchemar ou une réalité effrayante ? J'attends le dénouement. La prochaine fois ?

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