lundi 21 novembre 2016

L'atelier d'écriture n°241 de Leiloona

Déclaration d'amour envers l'écriture
Oui cher journal, tu as bien vu. Aujourd'hui, en me levant de mon pieu, dans ma cabine d'à peine quelques mètres carrés, doucement ballotée par les vagues qui claquent contre la coque de notre majestueuse embarcation, j'ai eu cette envie, ce besoin. Ce besoin d'écrire, de déclarer ma flamme à cette douce lueur qui te réchauffe, à cette pratique qui t'aide à avancer dans un quotidien trop redondant, qui te libère parfois de tes idées noires, à cette profusion d'idées, qui t'ouvrent les portes d'un monde que toi, et toi seul peut façonner, avec tes sentiments, ta vie, et tes textes. Pour toi, mon ami, mon confident de toujours, mais surtout pour moi, je vais écrire, accoler des lettres les unes aux autres, construire des phrases, espacer des mots soigneusement sélectionnés. Je vais sortir ma plume, l'affuter encore et toujours, et composer cette ode à l'écriture, pour moi, pour toi, pour nous, pour eux.

***

J'ai commencé à écrire très tôt ce matin, à l'heure où le navire n'est pas encore empli des cris de joie d'enfants, qui cherchent amusements et occupations durant ces trois semaines où ils sont coupés du monde, entourés par une eau bleu limpide, qui reflète les rayons du soleil sur l'horizon. Cet écrit est tellement important pour moi, que j'y pense sans aucun moment de répit. Une fois seul, j'y réfléchis, travaille les phrases, rassemble les idées qui s'entrechoquent dans ma tête. Je suis incapable de te dire comment je vais conclure, ni ce que je vais t'exprimer d'une phrase à l'autre. Je ne veux pas finir cette déclaration en une heure, durant laquelle je me laisse emporter dans des idées inspirées de mon imaginaire, qui se rapprochent souvent de ma personne. Je veux savourer ce que je te transmets, car il est le fruit d'une mûre réflexion et d'un grand recul sur moi-même. Vois-tu, mon ami, l'écriture a toujours été pour moi quelque chose d'intime, qui me permet de me recentrer sur moi-même. Je suis très pudique sur ce sujet, et cette ode est pour moi une manière de me dénuder, tout en recherchant la plus belle manière possible de m'y prendre. Parler d'écriture avec mes proches, faire lire ce que j'écris à mes amis ou ma famille était jusqu'alors une épreuve pour mon esprit, qui se posait mille et une questions sur la manière dont la personne en question allait percevoir mon petit texte. Si je me cachais auparavant derrière l'humour, j'essaie à présent de varier les styles, et de transmettre mes émotions à qui trouvera ce journal. En attendant, tu peux en profiter seul cher journal, ces quelques lignes sont pour toi, tu pourras les décortiquer, les savourer, et pourquoi pas les retenir ?

***

Nous avons accosté sur les coups de midi en Sicile. Après une rapide visite des lieux, je décide de m'éloigner du groupe, pour marcher un peu, toi, mon cher ami, sous le bras, le soleil claquant de ses rayons sur ma nuque déjà rouge. En prenant de la hauteur, des paysages plus sauvages, plus brutes apparaissent. J'aime beaucoup ce contraste, avec la mer turquoise en fond. Après quelques photos souvenir, je redescends quelque peu et trouve finalement refuge sur un banc, à l'ombre. Encore une fois, mon écrit ne cesse de me hanter. J'aimerais maintenant aborder avec toi, ici, dans ce petit coin sombre qui m'offre un peu d'air, sur ce banc que je nommerais Denis, une question que m'a souvent posé mon entourage : Comment fais-tu pour trouver ces idées ? Comment écris-tu ? J'esquive souvent la question, en changeant brusquement de sujet, convaincu que cette interrogation est trop personnel... A vrai dire, je pense que ce processus de création est différent pour chaque personne. Certains ont plus d'aptitudes que d'autres pour l'écriture. J'ai toujours aimé inventer des histoires, manier mes personnages comme un marionnettistes avec ses pantins. Je pense que... Attend cher ami, je m'accorde une pause. Un rapide coup de d'oeil devant moi, vérification d'une éventuelle intrusion quelconque. Personne. Je souffle quelques secondes, mouline l'air avec mes mains pour me donner de la fraîcheur, sans résultat apparent. Enfin si, j'ai encore plus chaud. C'est que le soleil tape fort en Italie ! Mais je divague. Revenons à nos moutons, comme disais Jeanne D'Arc. Vois-tu, mon journal adoré, mon inspiration vient avant toute chose de moi-même, de ce que je vis, de mon quotidien. On peut aussi ajouter dans cette liste les personnes que je côtoie tous les jours, qui se retrouvent systématiquement dans mes écrits. Je peux te faire une confidence ? Je crois que même si je voulais écrire quelque chose totalement sortie de ma petite caboche, j'en serais bien incapable. Je suis convaincu que chaque personne qui s'essaie à l'écriture commence à broder à partir de son vécu. Il est impossible de ne pas transposer sa vie avec celle de ses personnages. On retrouvera ainsi toujours ne serais-ce qu'un petit détail appartenant à la vie de son écrivain dans une fiction. En tout cas, c'est le cas de mes textes, et tu me verrais bien mal placé si je devais un jour inventer un histoire à partir de rien. Une bien belle odeur attire soudain mon attention, doux mélange de viande et d'épices... Je te laisse mon bon copain, l'appel de la nourriture se fait trop fort, et j'ai bien peur de ne pas pouvoir résister.

***

13h13. Retour sur le bateau. Tandis que la plupart des passagers profitent des plages de sable blond et fin, je préfère rester sur le pont du navire, dans cette petite chaise noire trouvée un peu par hasard. Avant de retourner à ma composition, je prend le temps de me relire. Je trouve que je m'en tire pas mal pour une première dans cet exercice non ? Mais à mon avis ce propos est subjectif. Je te laisse le soin d'en juger, mon cher. Je vais maintenant te parler de l'écriture en elle-même. Qu'est-ce ? Eh bien vois-tu, cher journal, ce moment précis, où tu donnes naissance à ton histoire , où tu emmènes avec toi les personnages vers un destin que seule ta personne est apte à imaginer, ce moment où tu manies les graines du sablier de ton histoire, où tu mets en place le décor de scène, où tu prends plaisir à faire dialoguer ces hommes et femmes qui deviennent de plus en plus présents en toi, jusqu'à t'obnubiler, est tout bonnement incroyable. Tu butes sur les mots, tu te casses la tête parfois pendant plusieurs dizaine de minutes pour trouver une bonne phrase qui reste en tête, mais tu continues tout de même à écrire, encore et toujours. C'est cela, l'écriture. Je pense que je vais surligner ce passage, il me paraît être une bonne définition de ce mot que je te répète encore et encore : l'écriture. Je suis personnellement addicte à l'écriture, si bien que j'écris chaque semaine pour un atelier, d'une certaine Leiloona. Si, je te jure. Si tu veux, j'écrirais ici, aussi, dorénavant, peut-être que cela te fera plaisir.

***

20h passé. Attablé près du bar, je te contemple successivement, puis je me tourne vers les invités. L'après-midi a été calme, j'ai passé mon temps à faire des allers-retours entre la petite chaise noire et le pont supérieure. J'ai même pris quelques clichés. J'en dépose un à cette page, en souvenir d'une journée intense cérébralement. Et bien sûr, je ne cesse de penser à cette ode. Je lirais ce texte lorsque je ne ressentirais plus l'envie d'écrire, je suis certain que cette lecture m’insufflera l'inspiration nécessaire chaque semaine. Il y a deux tics en particulier qui me touche personnellement lorsque j'écris. Tout d'abord, je m'arrête en moyenne d'écrire toutes les 10 minutes. Pourquoi ? Je n'en sais rien, sûrement pour me détacher de mon histoire, et prendre du recul sur ce que je suis en train d'écrire, puis je reprends, l'air de rien. Chacun ses trucs me diras-tu. La seconde chose ? J'écris tout le temps avec de la musique. La musique m'inspire, prolonge encore l'état d'esprit dans lequel je suis en train de composer mon écrit. Je lis également très souvent avec un fond sonore. Comment ? Une musique pour ce texte ? Hum... ah je sais ! Georgio, la terre je la dévore ou Héra. Je trouve que ces deux titres reflètent assez bien les sentiments qui me traversent en ce moment-même. Tiens, je me rends compte que je n'ai pas écouté de musique lors de mes phases d'écriture de ce texte. Il est vraiment très particulier celui-là tu ne trouves pas ?

***

C'est l'heure d'aller faire dodo. Comment conclure ? A vrai, je n'en sais trop rien... C'est sûrement le moment que je redoute le plus... La fin... Que te dire ? Cette ode m'a fait un bien fou... J'aime l'écriture, je l'aimerais toujours. J'aime me renouveler, sortir des sentiers battus, découvrir des paysages qui m'étaient jusqu'alors inconnus, de manière à affûter ma plume, encore et toujours... Peut-être que ce texte tombera-t-il dans les mains de quelqu'un d'autre que toi et moi un jour, qui sait ?


Ce texte a été écrit pour l'atelier d'écriture de Leiloona. La photo a été prise par © Julien Ribot.


7 commentaires:

  1. Ah, écrire, encore et toujours, éternel recommencement de soi...j'aime beaucoup;

    RépondreSupprimer
  2. J'aime beaucoup la forme de ton texte, ce journal intime... J'aime l'idée de l'écriture salvatrice et lien intemporel
    ..

    RépondreSupprimer
  3. Une réflexion intéressante dans une forme qui nous rappelle les plus grands, c'est sans doute salutaire ! Le lâche li le clavier ni les stylos !

    RépondreSupprimer
  4. une très belle ode à l'écriture que tu nous as fait là Victor ! J'ai beaucoup aimé ce moment de lecture à m'imaginer l'écrivain et son journal sous le bras ! Merci ! Nady

    RépondreSupprimer
  5. Jolie description d'une obsession, d'une passion. C'est beau à imaginer. Je lui souhaite de continuer.
    NB Qu'il n'oublie pas de vivre et de regarder les gens autour de lui, afin de nourrir sa plume ! :)

    RépondreSupprimer
  6. J'aime beaucoup ce que tu écris de la naissance d'un livre ...

    RépondreSupprimer
  7. Bel hommage à l'acte d'écrire et à surtout le besoin vital de cet acte.
    J'aime beaucoup la forme du journal intime.

    RépondreSupprimer