mardi 26 juin 2018

Naissance des coeurs de pierrre de Antoine Dole

Auteur : Antoine Dole

Maison d'édition: Actes sud junior

Collection : Romans ado

Nombre de pages : 160 pages

Année de sortie : 2017






Dans quelques jours, Jeb va entrer dans le Programme. C’est la loi du Nouveau Monde : à douze ans, chaque enfant de la communauté doit commencer un traitement qui annihile toutes les émotions, dans le but de préserver l’équilibre de la société. Mais Jeb ne peut s'y résoudre, quitte à se mettre en grand danger… Nouvelle au lycée, Aude subit tous les jours de nouvelles moqueries et insultes de la part des autres élèves et trouve refuge dans les bras de Mathieu, un surveillant du lycée. Un premier amour qui va faire naître en elle des sentiments aussi intenses que dévastateurs. Deux destins qui vont mystérieusement se croiser, deux personnages brutalement arrachés au monde de l'enfance et de la douceur.






 J'ai découvert Antoine Dole il y a quelques temps déjà, lors d'une rencontre au salon de Metz, en 2016. Depuis, j'ai dévoré "Ce qui ne nous tue pas" et je désirais vraiment lire ses autres titres, comme "K-cendres" ou "Je reviens de mourir". Une rencontre à Montreuil et une discussion plus tard, le destin en a décidé autrement, et c'est aujourd'hui avec son dernier ouvrage, intitulé "Naissance des coeurs de pierre", que je me présente à vous, pour vous en parler comme d'un livre coup de poing, qui m'a transporté, choqué, surpris. 






"Mais Jeb n'y arrive pas. A seulement onze ans, son être entier bouillonne, en état d'appétit permanent. Il passe le plus clair de son temps à tenter de contenir une onde qui ne cesse d'en générer une autre, puis une autre, puis encore une autre."


Une fois n'est pas coutume, j'ai décidé, avant ma lecture, de parcourir la quatrième de couverture, pour satisfaire une certaine curiosité face à une couverture et un titre si mystérieux. Et, pour le coup, on change complètement de registre ! A savoir : une double-narration, un univers assez futuriste, une histoire d'amour qui pourrait paraître un peu cliché… Beaucoup de promesses en apparence, et connaissant Antoine Dole, pas mal de messages subtilement dissimulés dans son récit... 



"-Aude, ça ne me gêne pas.
En disant ça d'une voix ferme, pour que les mots se plantent bien au milieu de son crâne à elle, il mêle ses doigts aux siens. Et avant qu'elle ne puisse hésiter, l'explosion est totale dans son coeur quand il presse ses lèvres contre les siennes. Mathieu l'embrasse."
 


Un roman qui mêle deux histoires bien distinctes, avec pour chacune d'entre elles une aventure différente, avec son intrigue, ses enjeux, son suspens. Tout au long de ma lecture, j'ai alterné les moments où j'avais envie d'avancer dans l'une ou l'autre de ces deux aventures. Elles sont très différentes l'une de l'autre, avec, comme je le disais plus haut, un registre assez éloigné pour chacune. C'est aussi ce qui fait le charme de cette oeuvre, quand j'y repense. En vérité, je n'ai cessé durant ma lecture de donner ma préférence pour l'un ou l'autre des passages, tant l'auteur a réussi à porter mes intérêts et mes interrogations aux grés de ses mots. Toutefois, j'accorderai ma petite préférence aux passages narratifs de Jeb, que j'ai trouvé plus rythmés et intéressants que ceux d'Aude et son histoire d'amour, même si je suis loin de m'être ennuyé durant ma lecture ! J'ai vraiment trouvé bien et original ce style d'histoire, avec cette grosse révélation finale inattendue que l'on obtient à la toute fin. Je m'étais imaginé plusieurs scénarios possibles, celui-ci compris, sans que jamais l'auteur ne nous dévoile de vrais indices jusqu'aux trois-quarts de son oeuvre. J'ai tout de même pris mon temps durant ma lecture, en lisant à peine plus de quelques chapitres par soir, pour bien prendre le temps d'assimiler ce que j'étais en train de découvrir. Attention, je ne suis pas du tout en train de dire que cette histoire est très complexe et qu'il faut être au maximum de sa concentration pour la lire. J'ai juste pris mon temps pour la lire, c'est différent ;-) 




"Tout ça n'a plus d'importance.
Plus rien n'en a.
Pour ça, il faudrait encore avoir l'énergie de lutter."


J'ai sincèrement une préférence pour Jeb par apport à Aude, même si cette dernière est plus proche de moi en âge que le jeune garçon. J'ai vraiment trouvé ce dernier plus travaillé, plus profond et subtil, avec toute une réflexion sur les émotions et les sentiments qu'il nous offre. A contrario, j'ai trouvé Aude parfois trop superficielle, même si je suis quasi-certain que c'est quelque chose désiré par l'auteur pour là encore, nous mettre en garde sur certains dangers (c'est un autre but pour moi de cette histoire) de cette chienne de vie. J'ai parfois eu du mal à creuser plus loin avec ces petits défauts, et je me répétais souvent : "Même si c'est une situation très compliquée qu'elle vit, elle pourrait à certains moments réagir autrement", même si là encore, on retrouve une évidente volonté d’exagération pour interpeller. Jeb, quant à lui (vous avez vu, je me mets aussi à alterner mes avis, on s'adapte !), il m'a semblé plus réaliste, et ainsi plus proche du lecteur. J'ai ressenti d'avantage d'émotions par Jeb que par Aude par exemple (mais j'ai quand même eu de sacrés coup d'adrénaline avec l'adolescente). Il n'empêche que ces deux-là ne m'ont définitivement pas laissé indifférent, quelque soit la situation et le moment de l'histoire, avec toujours quelque chose a apporté, une réflexion, une émotion... C'est fort. 




"Elle a tout fait pour avoir cette sensation que ses parents l'aiment à nouveau et de ne plus percevoir la déception dans leur regard. Elle a fait ce qu'on attendait d'elle." 


J'ai déjà une petite expérience par le passé de ce qu'est la plume d'Antoine Dole, et je me souviens avoir été assez décontenancé à l'époque, mais dans le bon sens du terme. Cette fois-ci encore, je n'ai absolument pas été déçu, et ce fût un véritable régal tout au long de ma lecture. Toutefois moins poétique que "Ce qui ne nous tue pas", l'écriture du romancier gagne encore en puissance, pour atteindre pleinement le lecteur dans sa subtilité et ses messages habilement dissimulés. Je ne vois que vous dire de plus, car il s'agit là de ce que j'étais venu cherché, et je l'ai absolument pleinement trouvé avec ce roman. 



"Comme une larme, dans le torrent."




Une réussite pleine pour cette prise de risque narrative signé Antoine Dole. Un roman soigné, toujours aussi bien écrit, qui atteint pleinement le lecteur de part sa sensibilité et ses personnages. Une réussite. 

lundi 4 juin 2018

L'atelier d'écriture n°306 de Leiloona : Voyage en pensées...




Cette histoire nous propulse aux abords d'une petite masure, au coeur de la campagne, où les odeurs de foin et de fleurs s'entremêlent au gré de la douce brise de fin d'après-midi. Deux petites sont assises au fond d'un baquet de bois rond, rempli en son fond par quelques centimètres d'eau. La première petite fille, prénommée Maya, observe depuis quelques minutes un buisson rempli de groseilles, à quelques mètres d'elle, tandis que Bérénice, le regard vague, à l'air plus renfermée sur elle-même. Mues par un profond attachement ainsi qu'une proximité exceptionnelle, les deux petites discutent en pensées. C'est Bérénice qui engage la conversation.


B : Qu'observes-tu ?

M : je contemple ce petit taillis rempli de groseilles par centaines. Qu'elles ont l'air juteuses ! J'aimerais tant aller en déguster quelques-unes.

B : Eh bien, qu'attends-tu ?

M : Une petite pointe de soleil, un joli chant d'oiseau, ou que tu viennes avec moi...

B : Ce ne sont là que des excuses ma chère ! Pourquoi toujours repousser quelque chose dont on a envie par simple paresse de l'effort à fournir pour l'obtenir ? La vie ne serait-elle pas trop facile sans ces micros efforts du quotidien ? Tu sais ma chère, tu n'aurais aucune satisfaction à avaler ces groseilles si celles-ci venaient à toi comme te vient une simple pensée. Réfléchis bien à mes paroles.


La petite Maya, songeuse, recentre son regard devant elle, alors que Bérénice se met à son tour à regarder les groseilles au loin. Soudain, mues par une coordination magnifique, les deux fillettes sortent de leur baquet et s'en vont déguster les groseilles, sans autre forme de jugement.


Ce texte a été écrit pour l'atelier d'écriture de Leiloona. La photo a été prise par (c) Laurent Blisson.