samedi 9 novembre 2019

Un classique de la littérature américaine : Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur d'Harper Lee

Auteure : Harper Lee 

Maison d'édition : Le livre de Poche

Année de sortie : 1960

Nombre de pages : 450 pages





Dans une petite ville d'Alabama, au moment de la Grande Dépression, Atticus Finch élève seul ses deux enfants, Jem et Scout. Homme intègre et rigoureux, cet avocat est commis d'office pour défendre un Noir accusé d'avoir violé une Blanche. Celui-ci risque la peine de mort.







 Cadeau d'anniversaire, ce classique à en devenir (s'il ne l'est pas déjà) de la littérature américaine, que l'on pourrait comparer en terme d'impact et d'époque à un Attrape-Coeurs de Salinger, 'Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur' est une de ces oeuvres dont l'impact se mesure après des semaines, voir des mois suivant la lecture. Que vaut ce Prix Pulitzer, récompense américaine des plus prestigieuses ? Tentative de réponse et décryptage. 






Malgré une époque complètement différente de la nôtre, à savoir les années 60 aux USA, une période où la discrimination raciale est une norme , il est pourtant assez aisé d'entrer dans l'oeuvre d'Harper Lee. Comme nous le laisse présager la couverture, la romancière nous plonge dans la tête d'une jeune fille nommée Scout. Le point de vue est donc interne, on ne connaît ainsi que ses émotions et ses pensées à elle. C'est déjà une bouffée d'air, tant le propos tenu peut parfois s'avérer extraordinaire, dans le sens étymologique du terme. Le fait que ces événements, à savoir le procès de cet homme noir défendu par le père de Scout, Atticus, et tout ce qui l'entoure, nous soit retransmis par une petite fille, permet une meilleure compréhension des enjeux présentés dans l'oeuvre mais aussi un point de vue quelque peu différent, plus innocent et moins empli de gravité que celui du lecteur, qui est presque déjà adulte. 



"Je voudrais que tu comprennes ce qu'est le vrai courage. C'est savoir que tu pars battu d'avance, et malgré cela, agir quand même et tenir jusqu'au bout." 




Avec quelques recherches supplémentaires, on peut rapidement émettre l'hypothèse que ce personnage contient une grande part autobiographique de l'auteur, qui a pleinement vécue ces périodes discriminatoires, avec un regard enfantin puis plus adulte. C'est ici le premier choix qui est privilégié, et c'est en grande partie ce qui offre sa particularité générale à l'oeuvre, tant la vision "jeune" est justement présentée ici. De plus, une petite fille sera plus apte à toucher un large public. Que l'on n'aime ou pas, Scout ne peut, pour sûr, pas vous être indifférent, et c'est déjà une première marque dans l'esprit du lecteur. 




"Tu es trop petite pour comprendre, mais parfois, la Bible est plus dangereuse entre les mains d’un homme qu’une bouteille de whisky entre celles de ton père."


'Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur' présente un fait presque commun, mais avec une remarquable justesse, dans les émotions comme dans le réalisme. On le décrit souvent comme un roman important, et pour cause ce procès envers un homme noir, véritable témoignage et démonstration des moeurs de l'époque. Mais il n'y a pas que ça. Harper Lee ne se contente pas de parler de ce fameux procès avec des termes techniques qui démontrent une certaine documentation. Elle parle aussi de l'atmosphère qui emplit la petite ville où habite Scout, des relations entre les habitants, du rythme de vie de cette époque. Alors qu'on pourrait penser l'oeuvre presque démunie de sentiments avec ce côté procédural, c'est finalement l'inverse qui se produit. L'immersion du lecteur est totale, et pour le coup, Haper Lee a réellement pris le temps de creuser plusieurs personnages de façon éclectique : différentes classes sociales, différentes tranches d'âges sont présentées ici, avec toujours ce point de vue mi-enfantin mi-adolescent. Là encore, Scout nous permet d'avoir littéralement un deuxième avis, puisqu'elle est logiquement moins âgée et donc moins expérimentée que chaque lecteur. Ainsi, nous sommes complètement pris par la lecture de l'ouvrage, qui se lit finalement très rapidement, alors que l'intrigue n'est pas emplie par l'action et le suspens, mais plutôt par un récit fluide, linéaire et quotidien. Expérience surprenante. 



"À Maycomb, si l’on sortait se promener sans but précis, on passait pour n’avoir pas le cerveau très précis non plus." 


A bien y réfléchir, ce qui rend ce petit bijoux si unique, c'est finalement un tout. Un ensemble harmonieux entre l'innocence de l'enfance, amenée par Scout, une ambiance travaillée, amenée par la petite ville d'Alabama et son florilège d'habitants, et une histoire, qui, malgré quelques longueurs dans les descriptions quotidiennes (passage à l'école, embrouilles entre frère et soeur) délivrant un message empli de tolérance, témoignage des années sombres aux Etats-Unis, à savoir les années 50-60-70.



"Et puis les gens n'aiment pas que quelqu'un se vante d'en savoir plus qu'eux."


 C'est avant tout ce qui me semble important de souligner, et c'est ce que j'avais marqué de rouge dans mes quelques notes de post-lecture. 'Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur' est une oeuvre qui est ancrée dans un temps qui n'est plus le nôtre, mais qui malgré tout arrive, par une quelconque magie, à revêtir un aspect actuel surprenant, prenant, révélateur et élégant. Lorsqu'on sait qu'il s'agit de l'unique roman publié par Harper Lee de son vivant, et que celui-ci arrive à le faire passer à la postérité, il n'est plus permis de doute sur la force absolue qui s'en dégage. On peut le relire sans aucun soucis. Très rare dans la littérature. 




"La seule chose qui ne doive pas céder à la loi de la majorité est la conscience de l'individu."


C'est ce dernier point que j'aimerais aborder ici, car c'est celui sur lequel va se terminer cet avis. Je crois, et je suis même sûr, que cet ouvrage possède plusieurs niveaux de lectures. Je pense que vous l'aurez également deviné à travers ces quelques lignes. Toutefois, je crois qu'on vient lire cette oeuvre dans un but précis, et vous-même qui vous y mettrez (peut-être) après cette chronique, vous lirez 'Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur' pour y retrouver un point de vue, un personnage ou un procès important. Comment lire cet oeuvre et en profiter dans sa globalité ? Partir sans rien avoir lu ou entendu dessus sans doute, de la même façon que l'on lit différemment 'Le Petit Prince' avant ou après une épreuve de la vie, dans notre jeunesse ou alors qu'on ait plus de hier que de demain. Dans tous les cas, c'est une (re)découverte. C'est un peu ce que j'ai ressenti après et pendant cette lecture. Très agréable. 








Vendre ce livre comme un roman important ne serait qu'un euphémisme, je dirais même qu'il constitue une lecture nécessaire dans la vie de chacun. Abordable et subtile, proposant des ambivalences et un intérêt très riche, 'Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur fût une lecture plus qu'importante durant mon été. A lire d'urgence.

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