lundi 8 mai 2017

L'atelier d'écriture n°266 de Leiloona : Puzzle solitaire (1)




Ils ne me veulent pas de bien.

Le mal les habite.

Traverse leurs entrailles…



Je marche à l'instinct. Autour de moi, tout n'est que d'un blanc éclatant. Des flocons se déposent par milliers autour de ma silhouette chancelante. Bientôt, un village se dresse à l'horizon. Je m'en rapproche. Je ne sais pas où je suis. Mais je continue à marcher, malgré tout, comme si ma vie en dépendait. J'entre dans le petit hameau. Aucune des premières maisons n'a l'air occupée. Une sorte de soulagement m'envahit peu à peu. Heureux de comprendre que je suis seul et maître de ces lieux. Un sentiment très vite dissipé par des lueurs que je vois traverser les volets, s'allumant comme des dizaines de petites lucioles luisantes. Bientôt, des murmures se font entendre. Des visages apparaissent aux fenêtres éclairées, on ouvre les volets, on m'observe, moi la créature encapuchonnée de la nuit. Les chuchotements s’amplifient, devenant peu à peu des voix bien distinctes. On prie, du moins, je le crois. Cette ambiance m'oppresse, je me sens observé, détesté. Je tente d'aller plus vite, pressé de voir ce qu'il y aura de l'autre côté


Soudain, un cris éclate dans le ciel obscur de la nuit. Surpris, je trébuche sur une pierre.  Les mains et genoux dans la neige. Une larme s'échappe du coin de mon oeil. Je me relève avec difficulté. Derrière moi, des pas, saccadés, nombreux, pressés. Je tourne la tête. Des cris. Des silhouettes. Des hommes. Des fourches. Du sang. Un soupir. Pris par l'adrénaline, le stress, les émotions et l'urgence, je cours. Sans m'arrêter, sans réfléchir. Je bifurque, tourne, traverse des maisons de bois, où femmes et enfants qui sont restés à l'intérieur hurlent sur mon passages, guidant armes et poings derrière moi. Au bout de plusieurs minutes, peut-être plusieurs heures, les cris finissent par décroître. Les pas se stoppent peu à peu, on abandonne une traque trop dure dans de telles conditions. J'ai fini par repérer cette vieille bâtisse abandonnée, un peu en retrait du centre du bourg. Un sous-sol, deux paires d'escaliers. Arrivé, je décide directement de descendre, non sans quelques acrobaties en raison de marches en piteux état. Je trouve assez vite un petit coin douillet, où je pourrais essayer de dormir un peu, le temps que tout se calme dans mon esprit. Je m'allonge. Ne pense à rien. Puis à tout à la fois. Je me pose des questions. Je songe. Le sommeil m'enveloppe peu à peu, Morphée m'embrasse m'embrasse sur le coin des lèvres. Ce n'est qu'en état de demi-conscience que je sens le choc derrière la tête, et, dans un dernier regard, voit la silhouette noir repartir. 


Ils ne me veulent pas de bien.

Le mal les habite.

Traverse leurs entrailles.

Coule dans leurs veines.

La folie habite leur coeur.

Je nage dans une piscine d'horreur...

Et de souvenirs...

(à suivre...)




Ce texte a été écrit pour l'atelier d'écriture de Leiloona. La photo est de (c) Fred Hedin.

6 commentaires:

  1. je penserais à un film d'horreur avec des zombies ?
    quelle angoisse ! le coup sur la tête -- j'ai hâte de lire la suite-
    on est à quelle époque ? en guerre ??
    oui on est le 8 mai ! une pensée pour tout ces morts pour la France-
    bisous et bon lundi férié-

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  2. Bonsoir,
    Un texte fort, angoissant, mille façons de le lire, sans doute une once d'actualité, migrants, sans abris des gens qui nous dérangent, mais qui nous montrent ce que nous sommes...
    Je dis nous pour généraliser la société.
    Bonne soirée
    @mitié

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  3. Un texte angoissant... mon interprétation ? En ce moment je décortique la psychologie de Camille Claudel et j'ai imaginé l'entendre dans ses moments de folie, elle qui se sentait persécutée par la bande à Rodin... plusieurs lectures possibles de ton texte ! Bravo ! Nady

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  4. Un écrit au mille visages, que l'on lit avec angoisse. On se glisse dans la peau de cet homme, on court avec lui, on a envie de le tirer de cet enfer et de ces gens qui ont la folie dans le cœur. Bravo pour ce texte.

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  5. Ton texte m'a captivée, tu créés une ambiance qui m'a fait penser à un rêve, qui se transforme peu à peu en cauchemar. Les mots s'enchainent avec aidance. J'ai beaucoup aimé l'idee du baiser de Morphee. Évidemment j'aimerais connaître la suite !

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