lundi 10 février 2020

Atelier d'écriture N°359 : La classe et l'église



" Le comble serait que les vitraux puissent se parler et nous parler" pensait le jeune homme, assis au troisième rang, côté nef. Rêveur par habitude, il contemplait religieusement le panneau coloré, en conversant silencieusement avec lui. Il pensait aux petits personnages de part et d'autre des deux grandes figures du milieu, qu'il supposait être d'importantes représentations religieuses, bien qu'il en ignorât totalement le sens profond. Ce genre de choses ne l'a jamais intéressé. 


"Combien de personnes sont venus ici ? Pour se réfugier, se confier, prier, pleurer la mort d'un proche ou fêter le baptême d'un nouveau-né ? Cette église est-elle plutôt emplie par la joie, le bonheur, ou la tristesse et le désespoir ?". La pensée de la jeune fille, située à quelques mètres du jeune homme, lui faisait écho, quelque part. Plus poétique dans la rêverie, elle lui ressemble tant, et ce petit adolescent penché vers les vitraux, sociable par habitude, mystérieux en profondeur. Elle, douce et patiente, donnerait bien quelques pièces, façon de parler, pour être rassurée concernant son avenir, empli par les incertitudes de la jeunesse, ce qui l'angoisse tant. Ils iraient bien ensemble, finalement.. 


"C'est franchement long là, on sort quand ? J'ai faim en plus, et envie de pisser aussi...". C'était là la formule du grand blond, celui placé derrière la fille, au dernier rang, côté confessionnal. Hermétique à toute forme d'art, y compris ces vitraux "trop difficiles à comprendre, ça doit vouloir rien dire j'suis sûr", il s'était retrouvé décontenancé par le petit minois de la jeune rêveuse, qu'il dépassait d'une tête et demie. Il n'avait cessé de fixer sa chevelure lisse et claire, et la naissance de ses yeux, qu'il pouvait deviner lorsqu'elle tournait légèrement la tête. Mais l'envie d'uriner, couplée à l'ennui de la visite, avait fini par l'emporter, et il n'aspirait plus qu'à sortir.



"Très belle église, moderne, pas tout à fait romane... Et les vitraux, qu'ils sont splendides ! Jacques Grüber ? Ou un autre de la même période dans ce cas.". Le seule type au premier rang. Un petit brun aux cheveux bouclés, par rêveur mais pragmatique. Pas trop sûr de lui, mais sûr de ce qu'il veut. Un futé sans aucun doute. 


"Toujours aussi beaux ces vitraux... Et quelle ambiance... Je l'aime cette église. Vraiment." Ça, c'était le professeur. Le seul qui soit passé par toutes les émotions de ses élèves, qu'il a ressenties tour à tour, à différentes étapes de sa vie. Un décès, un mariage, une naissance, un décès... L'église symbolise pour lui beaucoup plus d'un simple monument historique. C'est un témoin de sa vie. Pour toujours et à jamais. 



Ce texte a été écrit pour l'atelier d'écriture de Bric a Book

La photo est de (c) Karl Fredrickson. 

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