Déclaration
d'amour envers l'écriture
Oui
cher journal, tu as bien vu. Aujourd'hui, en me levant de mon pieu,
dans ma cabine d'à peine quelques mètres carrés, doucement
ballotée par les vagues qui claquent contre la coque de notre
majestueuse embarcation, j'ai eu cette envie, ce besoin. Ce besoin
d'écrire, de déclarer ma flamme à cette douce lueur qui te
réchauffe, à cette pratique qui t'aide à avancer dans un quotidien
trop redondant, qui te libère parfois de tes idées noires, à cette
profusion d'idées, qui t'ouvrent les portes d'un monde que toi, et
toi seul peut façonner, avec tes sentiments, ta vie, et tes textes.
Pour toi, mon ami, mon confident de toujours, mais surtout pour moi,
je vais écrire, accoler des lettres les unes aux autres, construire
des phrases, espacer des mots soigneusement sélectionnés. Je vais
sortir ma plume, l'affuter encore et toujours, et composer cette ode
à l'écriture, pour moi, pour toi, pour nous, pour eux.
***
J'ai
commencé à écrire très tôt ce matin, à l'heure où le navire
n'est pas encore empli des cris de joie d'enfants, qui cherchent
amusements et occupations durant ces trois semaines où ils sont
coupés du monde, entourés par une eau bleu limpide, qui reflète
les rayons du soleil sur l'horizon. Cet écrit est tellement
important pour moi, que j'y pense sans aucun moment de répit. Une
fois seul, j'y réfléchis, travaille les phrases, rassemble les
idées qui s'entrechoquent dans ma tête. Je suis incapable de te
dire comment je vais conclure, ni ce que je vais t'exprimer d'une
phrase à l'autre. Je ne veux pas finir cette déclaration en une
heure, durant laquelle je me laisse emporter dans des idées
inspirées de mon imaginaire, qui se rapprochent souvent de ma
personne. Je veux savourer ce que je te transmets, car il est le
fruit d'une mûre réflexion et d'un grand recul sur moi-même.
Vois-tu, mon ami, l'écriture a toujours été pour moi quelque chose
d'intime, qui me permet de me recentrer sur moi-même. Je suis très
pudique sur ce sujet, et cette ode est pour moi une manière de me
dénuder, tout en recherchant la plus belle manière possible de m'y
prendre. Parler d'écriture avec mes proches, faire lire ce que
j'écris à mes amis ou ma famille était jusqu'alors une épreuve
pour mon esprit, qui se posait mille et une questions sur la manière
dont la personne en question allait percevoir mon petit texte. Si je
me cachais auparavant derrière l'humour, j'essaie à présent de
varier les styles, et de transmettre mes émotions à qui trouvera ce
journal. En attendant, tu peux en profiter seul cher journal, ces
quelques lignes sont pour toi, tu pourras les décortiquer, les
savourer, et pourquoi pas les retenir ?
***
Nous
avons accosté sur les coups de midi en Sicile. Après une rapide
visite des lieux, je décide de m'éloigner du groupe, pour marcher
un peu, toi, mon cher ami, sous le bras, le soleil claquant de ses
rayons sur ma nuque déjà rouge. En prenant de la hauteur, des
paysages plus sauvages, plus brutes apparaissent. J'aime beaucoup ce
contraste, avec la mer turquoise en fond. Après quelques photos
souvenir, je redescends quelque peu et trouve finalement refuge sur
un banc, à l'ombre. Encore une fois, mon écrit ne cesse de me
hanter. J'aimerais maintenant aborder avec toi, ici, dans ce petit
coin sombre qui m'offre un peu d'air, sur ce banc que je nommerais
Denis, une question que m'a souvent posé mon entourage : Comment
fais-tu pour trouver ces idées ? Comment écris-tu ? J'esquive
souvent la question, en changeant brusquement de sujet, convaincu que
cette interrogation est trop personnel... A vrai dire, je pense que
ce processus de création est différent pour chaque personne.
Certains ont plus d'aptitudes que d'autres pour l'écriture. J'ai
toujours aimé inventer des histoires, manier mes personnages comme
un marionnettistes avec ses pantins. Je pense que... Attend cher ami,
je m'accorde une pause. Un rapide coup de d'oeil devant moi,
vérification d'une éventuelle intrusion quelconque. Personne. Je
souffle quelques secondes, mouline l'air avec mes mains pour me
donner de la fraîcheur, sans résultat apparent. Enfin si, j'ai
encore plus chaud. C'est que le soleil tape fort en Italie ! Mais je
divague. Revenons à nos moutons, comme disais Jeanne D'Arc. Vois-tu,
mon journal adoré, mon inspiration vient avant toute chose de
moi-même, de ce que je vis, de mon quotidien. On peut aussi ajouter
dans cette liste les personnes que je côtoie tous les jours, qui se
retrouvent systématiquement dans mes écrits. Je peux te faire une
confidence ? Je crois que même si je voulais écrire quelque chose
totalement sortie de ma petite caboche, j'en serais bien incapable.
Je suis convaincu que chaque personne qui s'essaie à l'écriture
commence à broder à partir de son vécu. Il est impossible de ne
pas transposer sa vie avec celle de ses personnages. On retrouvera
ainsi toujours ne serais-ce qu'un petit détail appartenant à la vie
de son écrivain dans une fiction. En tout cas, c'est le cas de mes
textes, et tu me verrais bien mal placé si je devais un jour
inventer un histoire à partir de rien. Une bien belle odeur attire
soudain mon attention, doux mélange de viande et d'épices... Je te
laisse mon bon copain, l'appel de la nourriture se fait trop fort, et
j'ai bien peur de ne pas pouvoir résister.
***
13h13.
Retour sur le bateau. Tandis que la plupart des passagers profitent
des plages de sable blond et fin, je préfère rester sur le pont du
navire, dans cette petite chaise noire trouvée un peu par hasard.
Avant de retourner à ma composition, je prend le temps de me relire.
Je trouve que je m'en tire pas mal pour une première dans cet
exercice non ? Mais à mon avis ce propos est subjectif. Je te
laisse le soin d'en juger, mon cher. Je vais maintenant te parler de
l'écriture en elle-même. Qu'est-ce ? Eh bien vois-tu, cher journal,
ce moment précis, où tu donnes naissance à ton histoire , où tu
emmènes avec toi les personnages vers un destin que seule ta
personne est apte à imaginer, ce moment où tu manies les graines du
sablier de ton histoire, où tu mets en place le décor de scène, où
tu prends plaisir à faire dialoguer ces hommes et femmes qui
deviennent de plus en plus présents en toi, jusqu'à t'obnubiler,
est tout bonnement incroyable. Tu butes sur les mots, tu te casses la
tête parfois pendant plusieurs dizaine de minutes pour trouver une
bonne phrase qui reste en tête, mais tu continues tout de même à
écrire, encore et toujours. C'est cela, l'écriture. Je pense que je
vais surligner ce passage, il me paraît être une bonne définition
de ce mot que je te répète encore et encore : l'écriture. Je suis
personnellement addicte à l'écriture, si bien que j'écris chaque
semaine pour un atelier, d'une certaine Leiloona. Si, je te jure. Si
tu veux, j'écrirais ici, aussi, dorénavant, peut-être que cela te
fera plaisir.
***
20h
passé. Attablé près du bar, je te contemple successivement, puis
je me tourne vers les invités. L'après-midi a été calme, j'ai
passé mon temps à faire des allers-retours entre la petite chaise
noire et le pont supérieure. J'ai même pris quelques clichés. J'en
dépose un à cette page, en souvenir d'une journée intense
cérébralement. Et bien sûr, je ne cesse de penser à cette ode. Je
lirais ce texte lorsque je ne ressentirais plus l'envie d'écrire, je
suis certain que cette lecture m’insufflera l'inspiration
nécessaire chaque semaine. Il y a deux tics en particulier qui me
touche personnellement lorsque j'écris. Tout d'abord, je m'arrête
en moyenne d'écrire toutes les 10 minutes. Pourquoi ? Je n'en sais
rien, sûrement pour me détacher de mon histoire, et prendre du
recul sur ce que je suis en train d'écrire, puis je reprends, l'air
de rien. Chacun ses trucs me diras-tu. La seconde chose ? J'écris
tout le temps avec de la musique. La musique m'inspire, prolonge
encore l'état d'esprit dans lequel je suis en train de composer mon
écrit. Je lis également très souvent avec un fond sonore. Comment
? Une musique pour ce texte ? Hum... ah je sais ! Georgio, la terre
je la dévore ou Héra. Je trouve que ces deux titres reflètent
assez bien les sentiments qui me traversent en ce moment-même.
Tiens, je me rends compte que je n'ai pas écouté de musique lors de
mes phases d'écriture de ce texte. Il est vraiment très particulier
celui-là tu ne trouves pas ?
***
C'est
l'heure d'aller faire dodo. Comment conclure ? A vrai, je n'en sais
trop rien... C'est sûrement le moment que je redoute le plus... La
fin... Que te dire ? Cette ode m'a fait un bien fou... J'aime
l'écriture, je l'aimerais toujours. J'aime me renouveler, sortir des
sentiers battus, découvrir des paysages qui m'étaient jusqu'alors
inconnus, de manière à affûter ma plume, encore et toujours...
Peut-être que ce texte tombera-t-il dans les mains de quelqu'un
d'autre que toi et moi un jour, qui sait ?
Ce
texte a été écrit pour l'atelier d'écriture de Leiloona. La photo a été
prise par © Julien Ribot.
Ah, écrire, encore et toujours, éternel recommencement de soi...j'aime beaucoup;
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup la forme de ton texte, ce journal intime... J'aime l'idée de l'écriture salvatrice et lien intemporel
RépondreSupprimer..
Une réflexion intéressante dans une forme qui nous rappelle les plus grands, c'est sans doute salutaire ! Le lâche li le clavier ni les stylos !
RépondreSupprimerune très belle ode à l'écriture que tu nous as fait là Victor ! J'ai beaucoup aimé ce moment de lecture à m'imaginer l'écrivain et son journal sous le bras ! Merci ! Nady
RépondreSupprimerJolie description d'une obsession, d'une passion. C'est beau à imaginer. Je lui souhaite de continuer.
RépondreSupprimerNB Qu'il n'oublie pas de vivre et de regarder les gens autour de lui, afin de nourrir sa plume ! :)
J'aime beaucoup ce que tu écris de la naissance d'un livre ...
RépondreSupprimerBel hommage à l'acte d'écrire et à surtout le besoin vital de cet acte.
RépondreSupprimerJ'aime beaucoup la forme du journal intime.